Billet de blog 12 novembre 2022

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Arras Film Festival 2022 : "Blanquita" de Fernando Guzzoni

Blanca, une adolescente accueillie dans le foyer pour jeunes du Père Manuel, dénonce à la suite du scandale rendu public d'un réseau de prostitution pédophile la responsabilité d'un sénateur à son égard.

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Film de la section « Cinémas du monde » de la 23e édition d'Arras Film Festival 2022 : Blanquita de Fernando Guzzoni

Après Carne de perro (2012) et Jesús (2016), Fernando Guzzoni adapte à nouveau un fait divers (l'affaire Spiniak) posant un regard inconfortable et inquiétant sur la réalité politique chilienne qui n'est jamais tout à fait éloignée de l'exercice de la violence d'un groupe social sur un autre à l'instar de l'époque dictatoriale.

Ici, en suivant le point de vue d'une adolescente et jeune fille mère victime d'abus sexuels soutenue par un prêtre dans ses démarches d'accusation contre un sénateur, ce sont aussi les oppositions entre deux classes sociales qui sont mises en scène. De la proximité de ces deux personnages, la mise en scène installe la tension propre au thriller politique avec un brillant minimalisme dans le choix des décors et les scènes d'action au profit de la mise en valeur des interprétations très denses des acteurs et des actrices.

Illustration 1
Blanquita de Fernando Guzzoni © ASC Distribution

Fernando Guzzoni est un brillant directeur d'acteurs et d'actrices, choisissant les plus convaincants au Chili qui ont pu notamment à plusieurs reprises faire briller toute leur force d'interprétation dans le cinéma de Pablo Larraín à savoir Alejandro Goic, fidèle acteur de tous les longs métrages de fiction de Fernando Guzzoni, Amparo Noguera, Marcelo Alonso sans oublier dans le rôle du personnage éponyme et qui plus est protagoniste du film, Laura López dans son premier rôle pour le cinéma.

Le travail d'interprétation est d'autant plus fondamental ici que l'intrigue repose sur des confrontations judiciaires où les témoignages dépendant beaucoup non pas de la vérité elle-même mais de la force de conviction pour énoncer un témoignage face aux remises en cause et les pressions psychologiques et physiques de la partie adverse. Le film n'est pas non plus un huis clos judiciaire qui se déroule dans une salle d'audience puisque tout se passe bien avant que la confrontation publique ait lieu. L'enjeu est cependant tel que les forces en présence s'empare du sujet, des médias télévisés, aux groupes politiques sans oublier l'Église catholique comme force obscure qui continue à agir dans l'ombre de la démocratie sans avoir été élue par les citoyens et citoyennes.

En filmant le personnage éponyme dans la rue au cours d'une manifestation récente au Chili qui dénonçait les abus sexistes, Fernando Guzzoni enracine et développe ses problématiques dans le contexte plus large du Chili contemporain et du monde actuel où #MeToo a libéré la parole féminine autour des abus de pouvoir patriarcal.

Pour autant, Fernando Guzzoni repousse toute vision manichéiste opposant une classe sociale opprimée face à une autre puissante aux comportements qui se positionnent au-dessus des lois car la vérité n'est pas ici entièrement située dans un témoignage totalement fiable. Il en résulte une vertigineuse plongée au cœur de l'horreur où les victimes d'hier construisent au mieux des stratégies de survie pour devenir les acteurs et actrices de leur vie au présent.

Pour concourir à la réussite du film, Fernando Guzzoni a réuni en particulier derrière sa caméra deux talents qui donnent beaucoup à l'atmosphère inquiétante et trouble du film : le chef opérateur Benjamín Echazarreta (Gloria, Une femme fantastique, etc.) et la compositrice Chloé Thévenin (Je ne suis pas un salaud, Arthur Rambo, La Montagne). Une œuvre d'une grande maîtrise, réunissant des talents multiples au service de la mise en scène d'un sujet politique transnational.

Blanquita
de Fernando Guzzoni
Fiction
98 minutes. Chili, Mexique, Luxembourg, France, Pologne, 2022.
Couleur
Langue originale : espagnol

Avec : Laura López (Blanca), Alejandro Goic (le Père Manuel), Nicolás Durán (Marcos), Amparo Noguera (Piedad), Marcelo Alonso (le procureur Herrero), Daniela Ramírez (la procureure Lagos), Ariel Grandón (Carlos)
Scénario : Fernando Guzzoni
Images : Benjamín Echazarreta
Montage : Jarosław Kamiński, Soledad Salfate
Musique : Chloé Thevenin
Son : José Miguel Enríquez Rivaud
Prise de son : Federico González Jordán
Décors : Estefania Larraín, Angela Leyton
Directeur artistique : Natalia Geisse
Costumes : Francisca Román
Production : Quijote Films
Coproduction : Varios Lobos, Tarantula, Bonne Pioche Cinema, Madants
Producteur : Giancarlo Nasi
Coproducteurs : Pablo Zimbron, Donato Rotunno, Pascal Guerrin, Yves Darondeau, Emmanuel Priou, Beata Rzeźniczek
Distributeur (France) : ASC Distribution
Date de sortie (France) : juin 2023

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