Diffusion sur la plateforme Mubi (France) depuis le 2 août 2023 : Trotacalles de Matilde Landeta
Dans le cadre d'une rétrospective consacrée au cinéma mexicain des années 1940 à 1960 toujours méconnu en Europe, le festival de Locarno s'associe avec la plateforme Mubi pour prolonger la diffusion de six longs métrages. Parmi ceux-ci, Trotacalles est réalisé et défendu avec vigueur par Matilde Landeta, considérée comme l'une des premières cinéastes notables de cette époque. Il est vrai que dans un pays et une époque où la culture du machisme est largement dominante, l'intrigue de ce film est d'autant plus forte. Il est même surprenant de voir que ce film ait pu voir le jour alors qu'il s'en prend directement au patriarcat. Certes, le film s'inscrit dans une longue tradition du mélodrame mexicain depuis La Femme du port (La Mujer del puerto, 1933) d'Arcady Boytler ayant pour protagoniste la figure sacrificielle de la femme prostituée qui ploie sous la culpabilité toute chrétienne de sa condition sociale.
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Deux sœurs aux destinées opposées devenues ennemies depuis que l'une a trahi l'autre en partant avec l'amant de cette dernière, sont bien conscientes que pour survivre dans une société résolument patriarcale, il ne leur reste qu'à vendre leurs charmes contre rémunération : l'une en tant que prostituée, l'autre en tant qu'épouse de son patron banquier, plus âgé qu'elle mais aussi avec une fortune conséquente.
Par l'intermédiaire d'une tierce femme à la destinée funèbre, est évoquée aussi un monde sans horizon pour les femmes. En ce sens, le film est une critique audacieuse et avant-gardiste d'un ordre masculin qui fait des femmes des objets sexuels sans complexe, qu'il s'agisse du mac de l'une qui la frappe sans cesse, où du riche époux qui ne partage pas d'affection avec elle mais qui aime à parader avec la beauté de sa jeune épouse en société.
Cette période mexicaine a porté au plus haut point le déroulement du mélodrame avec une accentuation concernant le regard féministe dénonçant le patriarcat comme nulle autre grande industrie du cinéma à la même époque.
Malgré un montage maladroit, un suréclairage omniprésent pour les scènes d'intérieur, le film est une véritable et saisissante découverte qui donne envie de davantage plonger dans la filmographie de Matilde Landeta.
Trotacalles
de Matilde Landeta
Fiction
97 minutes. Mexique, 1951.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Miroslava (Elena), Ernesto Alonso (Rodolfo), Elda Peralta (Maria), Miguel Ángel Ferriz (Don Faustino Irigoyen), Isabela Corona (Ruth), Enedina Díaz de León (une ancienne amie de Ruth), Rodolfo Calvo (l'ambassadeur), Jorge Cobián (une amie d'Elena), Beatriz Jimeno (une amie d'Elena), Cecilia Leger (lépouse de l'ambassadeur), Kika Meyer (une amie d'Elena), Diana Ochoa (une amie de Ruth), Juan Orraca, Adolfo Ramírez, Rogelio Fernández, Salvador Godínez, Aurora Izquierdo, Carlos Rincón Gallardo, Wolf Ruvinskis, Eduardo Solís, Consuelo Vidal, Enrique Zambrano
Scénario : José Aguila et Matilde Landeta, d'après une histoire de Luis Spota
Images : Rosalío Solano
Montage : Alfredo Rosas Priego
Musique : Gonzalo Curiel
Son : Bernardo Cabrera, Rafael Ruiz Esparza
Assistant réalisateur : Winfield Sánchez
Décor : Luis Moya
Maquillage : Rosa Guerrero
Production : Técnicos y Actores Cinematográficos Mexicanos Asociados
Producteur : Eduardo Soto Landeta