Depuis quelques décennies le Festival de Cannes est devenu une vitrine du meilleur du cinéma d’auteur international à travers sa programmation officielle. En 1998, pour aller plus loin dans cette démarche, le Festival crée la Cinéfondation dans le but de dénicher les nouveaux talents, à travers une sélection de quinze à vingt courts métrages présentés par des écoles de cinéma du monde entier.
« La Cinéfondation a été créée pour soutenir les nouveaux talents dans leur travail de création » explique Georges Goldenstern, directeur de la Cinéfondation depuis sa création en 1998.
Ainsi, chaque année plus de 1 600 films d’étudiants sont envoyés à destination de la sélection de la Cinéfondation. Pour être sélectionné, le court métrage doit être une fiction (les documentaires sont interdits) de moins de 60 minutes, avoir été réalisé au cours des 18 mois précédant le festival, ne pas avoir été diffusé dans d’autres festivals internationaux. La sélection de la Cinéfondation est présentée lors du Festival de Cannes en présence des professionnels du cinéma du monde entier, offrant une vitrine unique aux jeunes cinéastes. Un jury décerne des prix à trois films : le premier prix reçoit 15.000 euros, le deuxième 11.250 euros et le troisième 7.500 euros. Quant au premier prix, il reçoit l’assurance que son premier long métrage sera présenté au festival de Cannes. Francisco Vargas en 2005 y a par exemple présenté son film El violín dans une version de trente minutes qu’il a pu ensuite transformer en long métrage : celui-ci fut présenté en section Un Certain Regard en 2006 où il reçut le Prix d’Interprétation masculine. Gonzalo Tobal qui a gagné le premier prix en 2007 pour Ahora todos parecen contentos a présenté en sélection officielle son premier long Villegas en Séance spéciale en 2012.
En 2000, la mission de la Cinéfondation s’étend avec la création de la Résidence. Chaque année sont organisées deux sessions où dans chacune d’elles ont été sélectionnés six cinéastes avec leurs projets de premier ou deuxième long métrage en cours d’écriture. Chaque session dure quatre mois et demi et les cinéastes choisis logent dans la Résidence, appartement situé au 6 cité Malesherbes à Paris dans le neuvième arrondissement. Chaque cinéaste dispose d’un espace personnel et de lieux de vie collectifs. Il bénéfice d’une bourse de 800 euros par mois pour se consacrer à son travail d’écriture, d’un accès gratuit aux salles de cinéma parisiennes, de cours (facultatifs) de langue française, de la possibilité d’assister à des festivals durant son séjour. Des rencontres avec des professionnels du cinéma, à l’initiative des organisateurs mais aussi à la demande des cinéastes eux-mêmes, ont lieu. Des visites des hauts lieux du patrimoine français sont organisées par la Commission du Film d’Île-de-France pour nourrir l’imaginaire des scénaristes et afin éventuellement qu’ils songent à y établir leur lieu de tournage. Les 6 cinéastes d’une session venus des quatre coins du monde peuvent communiquer ensemble parce qu’il exigé aux candidats avant l’inscription, de parler couramment l’anglais ou le français. Pour faciliter les échanges, une plaquette de chaque projet est remise aux producteurs et distributeurs lors de leurs rencontres avec les résidents mais aussi lors des festivals de Locarno (Open Doors), Rotterdam (Cinemart) et Cannes. Des rencontres avec des représentants des principales institutions du cinéma sont également prévues. Cela se passe aussi bien à Paris que durant les festivals se déroulant lors de la session. Tout est ainsi une occasion pour enrichir son langage cinématographique avec des cinéastes au même stade de création mais aussi avec des cinéastes confirmés. Parfois, les sessions sont tellement denses qu’il est nécessaire au résident de poursuivre son travail d’écriture avec une nouvelle résidence au Moulin d’Andé, avec lequel la Résidence a passé un accord. Ce fut le cas de Manuel Nieto Zas en Résidence pour l’écriture du scénario de son film El lugar del hijo :
« Durant les deux semaines que j’ai passée au Moulin d’Andé, j’ai écrit tous les dialogues du film. »
Plusieurs cinéastes latino-américains témoignent de l’effervescence créatrice de la Résidence, de l’importance de se sentir membre d’une communauté d’hommes et de femmes qui font du cinéma. Alors que le travail d’écriture est souvent une étape vécue dans la solitude, la Résidence encourage à la création en facilitant les échanges de savoir-faire pratiques.
« Paris est la ville du cinéma la plus complète au monde et la Cinémathèque une cathédrale d’amour. » avoue Rubén Mendoza, réalisateur de La Sociedad del semáforo, en Résidence lors de la 21e session (du 1er octobre 2010 au 15 février 2011).
« Ce fut une très bonne expérience de pouvoir me pouvoir me consacrer exclusivement à l’écriture durant ces mois. J’ai bénéficié d’une très belle synergie au contact avec les autres cinéastes de la Résidence, ce qui donne beaucoup de valeur au temps que j’y ai passé. Je pense que la résidence est un espace de très grande valeur pour soutenir les cinéastes émergents du monde entier. » explique Sebastián Lelio, qui écrivait alors le scénario de Navidad lors de la 13e session (du 2 octobre 2006 au 9 février 2007).
Depuis la création de la Résidence, sur 168 cinéastes sélectionnés, 47 au moins étaient d’origine latino-américaine. Pour citer quelques noms seulement parmi les plus connus : Lucrecia Martel, Diego Lerman, Santiago Loza, Veronica Chen, Karim Aïnouz, Josué Mendez, Amat Escalante, Lucía Puenzo, Sebastián Lelio, Milagros Mumenthaler, Aarón Fernández, Alejandro Landes, Julio Hernández Cordón, Paz Fabrega, Michel Franco, Cristián Jiménez, Oscar Ruiz Navia, Juliana Rojas, Adrián Saba, William Vega, Natalia Almada… Et pour la 28e session, du 3 mars au 15 juillet 2014, ce sont 3 cinéastes sur 6 sont latino-américains : Marcela Said, Caetano Gotardo et Marcelo Martinessi. Le cinéma latino-américain est donc statistiquement plutôt bien représenté à travers les projets sélectionnés à la Résidence depuis plus de dix ans.
Dernière mission confiée à la Cinéfondation : l’Atelier.
« En 2005, le Festival confie à la Cinéfondation la mission d’organiser l’Atelier où le réalisateur candidat se présente avec un scénario déjà écrit ainsi qu’un producteur, pour trouver des compléments de financement » précise Georges Goldenstern. Cette mission a pour but d’aider à la réalisation des films en favorisant les rencontres entre les porteurs du projet de film et les professionnels capables d’investir. Le cinéaste doit proposer un scénario finalisé associé à un producteur et un début de financement. Une date de début de tournage doit également pouvoir être annoncée. Le réalisateur est sélectionné en fonction de ses films précédents (tous formats confondus). L’Atelier n’est donc pas réservé aux débutants mais s’adresse également aux cinéastes confirmés, qui rencontrent des difficultés à finaliser leur production. Chaque année, c’est une quinzaine de projets qui sont sélectionnés. Les réalisateurs sont invités au Festival de Cannes au mois de mai pour rencontrer les professionnels présents. Ceci peut ainsi aboutir sur des coproductions internationales et ainsi accélérer le passage à la réalisation. Des rendez-vous sont organisés également avec des distributeurs, des vendeurs et des responsables de Fonds d’Aides internationaux. Parmi les réalisateurs notables qui sont passés par l’Atelier, on peut citer : Lisandro Alonso (Liverpool), Diego Quemada-Diez (Rêves d'or), Pablo Fendrik (El Ardor), Alejandro Fernández Almendras (Tuer un homme).
Retrouvez cet article en version espagnole sur le site dédié à l'industrie du cinéma latino-américain, LatAmcinema : http://issuu.com/latamcinema/docs/numero_09
Présence des cinéastes latino-américains au fil des sessions de la Résidence
3e Session
1 octobre 2001 - 13 février 2002
Lucrecia MARTEL
Michel Ange QUAY
4e Session
21 février 2002 - 30 juin 2002
Franco DE PEÑA
5e Session
1 octobre 2002 - 12 février 2003
Diego LERMAN
6e Session
27 février 2003 - 11 juillet 2003
Santiago LOZA
Ulises ROSELL
7e Session
1er octobre 2003 - 11 février 2004
Veronica CHEN
Karim AINOUZ
9e Session
1 octobre 2004 - 12 février 2005
Josué MÉNDEZ
10e Session
28 février 2005 - 10 juillet 2005
Hernán BELÓN
Eduardo VALENTE
11e Session
3 octobre 2005 - 12 février 2006
Santiago PALAVECINO
12e Session
28 février 2006 - 10 juillet 2006
Pablo AGÜERO
Amat ESCALANTE
Lucía PUENZO
13e Session
2 octobre 2006 - 9 février 2007
Président du jury : Rithy PANH
Sebastian LELIO
Alexis DOS SANTOS
14e Session
1 mars 2007 - 17 juillet 2007
Milagros MUMENTHALER
15e Session
1 octobre 2007 - 15 février 2008
Rubén IMAZ CASTRO
16e Session
3 mars 2008 - 15 juillet 2008
Manuel NIETO ZAS
Francisco VARGAS QUEVEDO
17e Session
1 octobre 2008 - 15 février 2009
Aaron FERNANDEZ
Alejandro LANDES
18e Session
2 mars 2009 - 15 juillet 2009
Julio HERNÁNDEZ CORDÓN
Esteban LARRAIN
19e Session
1 octobre 2009 - 15 février 2010
Paz FABREGA
20e Session
1 mars 2010 - 15 juillet 2010
Michel FRANCO
Cristián JIMÉNEZ
Franco LOLLI
Dominga SOTOMAYOR
21e Session
1 octobre 2010 - 15 février 2011
Fernando GUZZONI
Rubén MENDOZA
Oscar RUÍZ NAVIA
23e Session
3 octobre 2011 - 15 février 2012
René BALLESTEROS
Christopher MURRAY
Felipe SHOLL
24e Session
1 mars 2012 - 15 juillet 2012
Jairo BOISIER OLAVE
Juliana ROJAS
Simon JAIKIRIUMA PAETAU
25e Session
1 octobre 2012 - 15 février 2013
Laura ASTORGA
Marina MELIANDE
26e Session
1 mars 2013 - 15 juillet 2013
Adrián SABA
William VEGA
27e Session
1 octobre 2013 - 15 février 2014
Natalia ALMADA
28e Session
3 mars 2014 - 15 juillet 2014
Caetano GOTARDO
Marcelo MARTINESSI
Marcela SAID