
Sortie DVD de L’Incroyable professeur Zovek, de René Cardona Sr.
En pleine méditation, le professeur Zovek éprouve la disparition d’un avion et de son équipage. Contrairement aux communiqués officiels portant le nombre de disparus à 26, le professeur Zovek en a ressenti 25. Il décide dès lors de mener son enquête pour découvrir l’identité de ce mystérieux survivant alors que d’éminents scientifiques internationaux sont sur la liste des disparus.
Le professeur Zovek (de son vrai nom Francisco Xavier Chapa del Bosque) est d’abord un illusionniste, maître de l’évasion et de l’hypnose, qui a eu son heure de gloire à la télévision mexicaine dans les années 1960. Le personnage qu’il s’est créé, le professeur Zovek, est un mélange d’Harry Houdini et d’Hercule (pour sa force et ses costumes en peau de bête). Compte tenu de sa notoriété, les studios de cinéma lui firent signer un contrat prévoyant la réalisation de neuf longs métrages. Il n’en tourna intégralement qu’un, L’Incroyable professeur Zovek,car il trouva la mort dans un accident d’hélicoptère peu de temps après. Ce film constitue donc un bel hommage rendu à une icône charismatique de la télévision et une promesse de cinéma bis mexicain. Ce film s’inscrit pleinement dans la continuité des films de luchadores dénommés Santo, Blue Demon, Mil Mascaras, etc. Plusieurs scènes du film prouvent qu’il sait maîtriser quelques figures de la lucha libre à l’instar de ces célèbres lutteurs. La différence est que le professeur Zovek se montre à visage découvert : ceci permet de disposer cinématographiquement des émotions de son visage, ce qui n’est pas rien lorsque l’on sait que son personnage est construit sur son charisme et ses pouvoirs hypnotiques. Les gros plans sur son regard sont dès lors incontournables. Figurant dès la première séquence du film dans un désert en pleine méditation à la suite d’un générique peuplé de statues de Bouddha, son personnage souhaite s’inscrire dans une sagesse orientale. Hélas, le scénario ne permettra pas par la suite de développer cette caractéristique, insistant dans le dernier tiers du film à de classiques combats de lutteurs face à des monstres en tous genres. Il n’en utilise pas moins à quelques occasions le pouvoir hypnotique de son esprit mais qui se révèle impuissant face au terrible docteur Leobardo Druso. Que reste-t-il de la performance du professeur Zovek ? Une séquence d’hypnose, un numéro télévisé que le public de l’époque connaissait bien et des combats de lutte avec des méchants humains et des zombies. Le scénario est ouvertement et sans complexe manichéen comme l’atteste le message final délivré solennellement par le professeur Zovek et ne brille aucunement par son inventivité. De même l’interprétation est grossière mais l’outrance des gestes et attitudes contribuent au regain du goût kitsch et du cinéma bis en général.
À noter la présence de Germán Valdés, le célèbre comique mexicain plus connu sous le nom de "Tin Tan". Il joue ici le serviteur docile, maladroit et couard du professeur Zovek. Son jeu est volontairement outrancié et se caractérise par l’expression de ses yeux exorbités. C’est avec une certaine nostalgie que l’on retrouve cette gloire comique du cinéma mexicain qui joue les bouffons, faire-valoir d’une nouvelle célébrité télévisée dans une série B. Deux ans après le tournage de ce film, Germán Valdés décédait, non sans avoir cessé de multiplier ses apparitions dans d’autres films. Ce film est à cet égard aussi le témoin de la fin d’une époque. De même qu’après le massacre de Tlatelolco en 1968 ordonné par le gouvernement mexicain à l’égard de sa propre population, il était difficile au début des années 1970 de croire à l’existence d’une démocratie au Mexique, le cinéma de l’époque semble porter ce deuil. Le manichéisme maladroit de ce film manifeste d’une certaine manière la difficulté de croire dans les valeurs d’un personnage populaire, d’autant plus que celui-ci n’a guère de messages politiques à proposer… et qu’en outre, le combat final de Zovek ne se passe pas avec la grande figure du mal qu’est le docteur Leobardo Druso, mais contre une malheureuse victime de ses expériences. Le héros populaire lutte contre des nains anthropophages et des esclaves noirs zombies : peut-on voir en cela l’incarnation triste d’un État mexicain refoulant ses propres minorités au nom d’un grand ordre que rien ne peut remettre en cause, encore moins les victimes des expériences périlleuses de ses choix politiques ? On ne peut que penser au documentaire México, la revolución congelada de Raymundo Gleyzer de 1973. La prétendue innocence du cinéma bis n’est qu’un leurre.

L’Incroyable professeur Zovek
El Increíble profesor Zovek
de René Cardona Sr.
Avec : Zovek (le professeur Zovek), Nubia Marti (Virginia), Germán Valdés "Tin Tan" (Chalo), José Galvez (le docteur Leobardo Druso), Tere Velázquez, Yerye Beirute
Mexique - 1972.
Durée : 80 min
Sortie en salles (France) : inédit (11 mai 1972 à Mexico)
Sortie France du DVD : 24 septembre 2013
Format : 1,33 – Couleur
Langue : espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Bach Films
Collection : Cinéma mexicain, super héros
Bonus : Livret « L’âge d’or du cinéma fantastique mexicain » (24 pages)
Entretien avec Stéphane Bourgoin
lien vers le site de l’éditeur :
http://bachfilms.com/fantastique-science-fiction/549-l-incroyable-professeur-zovek-3760054384453.html