Costa Rica Festival International de Cinéma 2015 : El Cumpleaños esotérico de Guillermo Tovar et Nadia Mendoza
Une petite fille habillée comme Alice aux pays des Merveilles avec les petites moustaches en plus, va fêter son anniversaire. Au même moment apparaissent un minotaure poursuivi par des sorcières jumelles carnivores et un vaisseau spatial composé d'éléments technologiques et organiques d'où sortent un groupe de sages aux pouvoirs transcendantaux et métaphysiques, entre autres invités inattendus .
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Si le cinéma est un espace de liberté où l'on peut questionner notre imaginaire loin de la dictature de la rationalité à l'instar d'un Alejandro Jodorowski, on oublie souvent que l'animation dispose de ce potentiel peu exploité puisque ses animations ne sont pas soumises au réalisme de la figuration de ses protagonistes. Ce film ose aller très loin dans un cheminement ésotérique qui ne serait pas pour déplaire à Jodorowski lui-même. En effet, on y retrouve de grandes figures mythologiques et des êtres surpuissants dont l'essence se trouve dans le mental et leur aptitude à la méditation. La métaphysique du jeu de tarot et des philosophies indiennes sont également convoquées. Tout comme l'univers cinématographique et des BD de Jodorowski, le récit se confronte à des situations que d'ordinaire on qualifierait de gore, mais qui participent ici pleinement d'une démarche initiatique ésotérique. La liberté de ton est d'autant plus appréciable que le duo de cinéastes (un couple qui se partage les rôles entre scénario et animation) maintient la tonalité foisonnante de son univers du début à la fin du film, sans laisser la moindre concession à l'appréhension dialectique cartésienne. Le film est aussi bien habité par les angoisses et le monde magique qui traverse un être à l'imagination décomplexée, que par la corporalité de l'être pensant : autrement dit, le film est d'autant plus organique qu'il ne se contente pas d'être pensé avec la matière grise du cerveau. D'une certaine manière, comme dans une séance chamanique, les auteurs vomissent littéralement leurs idées, comme si celles-ci ne pouvaient être intégrées à un corps devenus trop cartésien. Il faut ainsi la puissance créatrice et expressive de l'animation cinématographique pour rendre compte de ce que signifie cet événement organique où le corps est en état de refus d'un élément extérieur qui souhaitait pourtant expérimenter l'intégrité du corps.
Ce film d'animation, le premier du genre au Costa Rica, tient la sincère promesse d'offrir une expérience ésotérique cinématographique. L'interprétation du cheminement du personnage principal est laissé à la liberté de chacun. On ne peut que saluer l'intelligence des cinéastes à aller au bout de l'exploration de leur univers intime, puisqu'il s'agit aussi d'une autobiographie de quelques années de Nadia Mendoza, auteur du scénario. L'animation est très colorée, faisant fi des contraintes du réalisme et explore les potentialités organiques de l'animation issues de la BD et du tatouage corporel. Participant à la mise en scène de cet univers, la musique originale de Florian Droids est à cet égard une composition qui dialogue de manière très fine avec l'animation et participe à créer un monde sans référence explicitement réaliste. Pour toutes ces idées, ce film d'animation qui ne peut laisser indifférent est une expérience visuelle audacieuse que l'on ne peut manquer d'encourager d'autant plus qu'il s'agit d'une production de plusieurs années entre les mains d'une petite équipe dont la force est d'avoir pu partager des visions afin de les concentrer en un film.
El Cumpleaños esotérico
de Guillermo Tovar et Nadia Mendoza
Fiction, animation
62 minutes. Costa Rica, 2015
Couleur
Langue originale : espagnol
scénario : Guillermo Tovar et Nadia Mendoza
musique : Jorge Guri, Florian Droids
Production : Interdimensional Studio
Producteurs : Nadia Mendoza A., Guillermo Tovar C.