Sortie DVD de La Llorona, de René Cardona
La Llorona fait partie intégrante du patrimoine mexicain : cette légende populaire a inspiré de nombreuses œuvres de la littérature, de la chanson ou du cinéma. Il existe diverses versions narrant l’origine de cette « dame blanche mexicaine » mais la plupart du temps, on la situe au XVIe siècle, moment de la conquête espagnole de ce qui allait devenir le Mexique. La Llorona porte en elle le traumatisme de la violence de la conquête et il est intéressant de constater que cette légende trouve encore un écho aux XXe et XXIe siècle. Bien qu’infanticide, ce personnage est ambivalent. René Cardona, l’un des réalisateurs qui a quantitativement le plus apporté au cinéma mexicain avec plus de 140 longs métrages, choisit de traiter cette histoire à travers deux types de genre alors en vogue dans le cinéma mexicain. Ainsi, la partie contant l’origine de La Llorona au XVIe siècle avec son histoire d’amour trahie prend la forme d’un mélodrame à travers ses ressorts coutumiers qui avaient assurer les grandes heures de l’Âge d’or du cinéma mexicain. La seconde partie, à l’époque contemporaine, fait surgir le fantastique tel qu’il est en train de se développer au moment de la réalisation de ce film avec un certain succès public au Mexique, offrant une bonne alternative au déclin des films à grands budgets. Par le biais du mélodrame, La Llorona est un personnage sur lequel on s’apitoie et son infanticide n’est pas sans rappeler le personnage de Médée. D’ailleurs, La Llorona n’est-elle pas « la pleureuse » (traduction littérale de l’espagnol), autrement dit un être condamné à la souffrance éternelle ? Le réalisateur joue à n’en pas douter sur la proximité du public face à ce personnage parfaitement intégré à la culture populaire dans lequel certains peuvent retrouver leur propre malaise dans la société. La mise en scène est des plus classique : le ton et sentencieux, les acteurs jouent sans nuance ni subtilité. Heureusement, Maria Elena Marqués tire bien son épingle du jeu avec sa double identité de gouvernante/Llorona. Les conventions du milieu bourgeois représenté n’intéressent guère le réalisateur, le public non plus qui n’attend que la manifestation du personnage éponyme, avec une impatience non dénuée d’appréhension. Dans la construction du cinéma fantastique, on n’est pas ici dans un cinéma d’auteur comme a su si bien l’illustrer plus tard Guillermo del Toro, néanmoins le travail de René Cardona est digne d’un artisan soucieux de son ouvrage. La Llorona est loin d’être ridicule et n’a pas non plus le kitsch des monstres contre lesquels se bat des lutteurs mexicains masqués à l’instar d’un Santo. Un film fantastique à (re)découvrir au sein de la large perspective d’une histoire transnationale du cinéma de genre.
La Llorona
La Llorona
de René Cardona
Avec : Luz María Aguilar (Margarita Montes), Eduardo Fajardo (Don Nuño de Montes Claros), Mauricio Garcés (Felipe Arnáiz), Maria Elena Marqués (Luisa del Carmen / La Llorona / Carmen Asiul), Carlos López Moctezuma (Don Gerardo Montes), Marina Banquells
Mexique – 1959.
Durée : 75 min
Format : 4/3 – Noir & Blanc
Langue : espagnol – Sous-titres : français.
Éditeur : Bach Films
Collection : Cinéma Mexicain
Bonus :
Entretien avec Stéphane Bourgoin.
Livret illustré 24 pages « L'Âge d'or du cinéma fantastique mexicain ».