Billet de blog 20 octobre 2014

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Être ou ne pas être sans terres au Brésil : naissance d’un espace démocratique

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Sortie nationale (France) du 15 octobre 2014 : Hautes terres, de Marie-Pierre Brêtas

Illustration 1
© Zeugma Films

Marie-Pierre Brêtas, la réalisatrice de ce documentaire, est partie filmer dans la région du Nordeste du Brésil, lieu mythique du cinéma Novo brésilien des années 1960. Son but : filmer l’organisation d’hommes et de femmes sans terres qui ont fini par acquérir leur terre qu’ils travaillent eux-mêmes depuis plusieurs années voire plusieurs décennies. On connaissait avec d’autres documentaires le mouvement des « Sans terres » au Brésil, leurs luttes, leur mobilisation pour accéder au minimum vital : le droit d’accéder à leurs moyens de subsistances élémentaires. Ce que l’on connaît moins, c’est l’après de l’acquisition. À cet égard ce film est original. Tout part d’un lien étroit que la réalisatrice a avec l’une des protagonistes de Hautes terres : Vanilda. Cette proximité avec cette actrice importante de cette « ancienne » communauté de sans terres est essentielle. En effet, la caméra s’installe si aisément dans cette collectivité qu’elle finit par se faire oublier et le documentaire parfois ressemble à de la fiction où Vanilda est un personnage fascinant. Aucun regard caméra ni d’échange sous forme d’entretien face caméra dans le but seul de transmettre des informations sur une situation sociopolitique. Marie-Pierre Brêtas a choisi d’inviter le spectateur à partager un quotidien qui n’est pas ordinaire pour cette communauté puisqu’il s’agit de s’organiser pour gérer au mieux une nouvelle situation : l’acquisition tant revendiquée de terres. On découvre dans ce processus que les femmes ont un grand rôle de prise de paroles comme de prise de conscience, alors que les hommes sont occupés à des activités qui les poussent à s’éloigner de leur foyer et des préoccupations qui lui sont associées. Le parti pris de Marie-Pierre Brêtas est de créer un espace de rencontre entre le spectateur et la communauté filmée, non pas en lui déversant une somme d’informations diverses mais au contraire en l’invitant à saisir le quotidien même de ses hommes et de ses femmes face à ce qui pourrait apparaître comme une conquête sociale. Il se trouve que si le mouvement des sans terres a pu être médiatisé, il est devenu bien fragile face à un colossal événement médiatique au Brésil : la coupe du monde de football. En effet, les soutiens économiques de l’État pour faciliter l’accession et la meilleure organisation pour gérer ces terres ne furent plus à l’ordre du jour face à la priorité numéro 1 consistant à répondre aux dépenses colossales générées par la coupe du monde. Mais ce contexte lui-même reste en hors champ même si les conséquences en sont évidentes. Marie-Pierre Brêtas réalise un documentaire hors du commun, opportunité inédite de saisir la naissance d’une organisation démocratique locale à l’intérieur d’un pays qui a oublié de maintenir le dialogue avec ses concitoyens.

Illustration 2

Hautes terres

de Marie-Pierre Brêtas

Documentaire

87 minutes. France - Brésil, 2014.

Couleur

Langue originale : portugais

Scénario : Marie-Pierre Brêtas

Images : Marie-Pierre Brêtas

Montage : Gilles Volta

Son : Marie-Pierre Brêtas

Production : Zeugma Films

Producteur : Michel David

Distributeur (France) : Zeugma Films

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