Billet de blog 20 octobre 2016

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Barbe Bleue au pays de La Llorona

Une journaliste en mal de sensations fortes, répond à une annonce issue du courrier du cœur et découvre un mystérieux homme dont le visage est voilé. Celui-ci la conduit dans son antre pour lui révéler ses secrets : il s’agit du professeur Hermann Ling dont le visage est défiguré depuis sa naissance.

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Illustration 1
"Le Monstre ressuscité" de Chano Urueta © Bach Films

Sortie DVD : Le Monstre ressuscité de Chano Urueta

Ce film de Chano Urueta a depuis fait date dans l’histoire du cinéma mexicain, puisqu’il est considéré comme ayant été à l’origine de la nouvelle vague de films mexicains fantastiques qui s’est mise à déferler et s’est maintenue durant près de trois décennies. Chano Urueta ne fait pas partie des grands maîtres du cinéma mexicain mais a su imposer son univers avec plus d’une centaine de films réalisés en quarante ans de carrière. En 1953, à mi-parcours de sa filmographie, il ose s’aventurer dans le cinéma fantastique, genre peu développé jusque-là dans l’industrie du cinéma mexicain. Pour cela, ses sources d’inspiration sont les films d’horreur des studios Universal des années 1930, aussi bien que des personnages issus de la littérature : ainsi, le savant fou, qui plus est monstrueux, est une association entre la Bête de La Belle et la Bête, Dracula, le professeur Frankenstein tout autant que sa créature, le Bossu de Notre Dame, Barbe Bleue et également le Fantôme de l’Opéra pour son côté mélomane affirmé. La scénographie gothique est développée autour d’un manoir perdu sis auprès d’un cimetière en bordure de falaise, un lieu d’expérimentation scientifique en sous-sol, un serviteur bossu bête et discipliné, les rendez-vous systématiquement nocturnes des personnages, l’origine du savant fou située en Europe de l’Est comme le berceau fantasmé du romantisme. Le moins que l’on puisse dire est que Chano Urueta, également scénariste du film, connaît bien ses classiques et en use à bon escient, réussissant la gageure de proposer une meilleure réalisation qu’une série B hollywoodienne sur le même genre. Cette histoire pourrait se dérouler n’importe où tant aucun lien direct, excepté la langue, avec le Mexique n’est réalisé. On est encore loin de l’utilisation du patrimoine fantastique local, qu’il prenne les traits de Santo, La Llorona ou d’une momie aztèque. Quant à l’histoire, elle témoigne bien du machisme de l’époque où une jeune et jolie bourgeoise qui s’ennuie libère la boîte de Pandore en déchaînant la violence d’un savant fou contre la gente féminine. Tout au long du film, le personnage féminin sera peu actif dans le déroulement, subissant davantage les actions qu’en en étant à l’initiative. Il en résulte que cet unique personnage féminin (si l’on ne compte pas toutes ces poupées de cire de jolies femmes à taille humaine) joue finalement le rôle de la femme victime de sa beauté et incapable de se sortir des pièges tendus par l’infâme professeur. Certains plans-séquences par leur durée sont plutôt audacieux et l’image est assez soignée. Quant au montage, il ne manque pas de nombreuses maladresses, tout comme le masque grotesque du monstre. Mais c’est là aussi le charme de redécouvrir ce film plus de soixante ans après sa réalisation et qui a eu une responsabilité, on ne peut en douter, sur la construction cinéphilique de l’univers de Guillermo del Toro.

Illustration 2

Le Monstre ressuscité
El Monstruo resucitado
de Chano Urueta
Avec : Miroslava (Nora), Carlos Navarro (Ariel / Sergei Rostov), José María Linares-Riva (Hermann Ling), Fernando Wagner (Gherásimos), Alberto Mariscal (Mischa), Stefan Berne (Crommer)
Mexique – 1953.
Durée : 85 min
Sortie en salles (France) : inédit
Sortie France du DVD : 15 septembre 2016
Format : 1,33 – Noir & Blanc
Langue : espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Bach Films
Bonus :
Entretien avec Alain Schlockoff

lien vers le site de l’éditeur

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