Billet de blog 21 juin 2016

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Entretien avec Kristyan Ferrer, acteur dans « 600 millas » de Gabriel Ripstein

Kristyan Ferrer était l’un des invités du festival Viva Mexico à Paris en octobre 2015 pour présenter le film « 600 millas » de Gabriel Ripstein qui vient de recevoir le Prix Ariel du Meilleur Premier film.

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Krystian Ferrer © DR

Cédric Lépine : Peux-tu nous parler de tes débuts au cinéma ?

Kristyan Ferrer : J’ai débuté au cinéma avec le film de Cary Fukunaga (2009) Sin nombre. Ce film a vraiment bien marché en salles. J’ai eu des rôles dans État de choc (Inhale de Baltasar Kormákur, 2010), El Infiernode Luis Estrada (2010), Días de gracia de Everardo Gout (2011). Tous ces films m’ont marqué. Après Días de graciade j’ai commencé à recevoir beaucoup plus de propositions. Dans le milieu du cinéma mexicain je commençais à être connu. Et puis il y a eu le film Guten Tag Ramón de Jorge Ramirez Suarez (2013), qui m’a permis de me faire connaître du grand public. Et je présente maintenant 600 millas de Gabriel Ripstein (2015) avec beaucoup de bonheur.

C. L. : Quel fut ta formation pour devenir acteur ?
K. F. :
J’ai appris le métier d’acteur sur le tas, je n’ai jamais pris de cours. J’ai commencé dans des séries télévisées, mais ça m’a vite ennuyé. Le monde de la télévision est décevant parce qu’il n’y a pas tant de choses à apprendre. Alors j’ai fait du théâtre, et j’ai découvert ce que c’est de créer un personnage. C’est seulement ensuite que je suis arrivé au cinéma, et c’est ce que j’aime et ce qui me fait vivre. J’ai commencé à me questionner plus sérieusement sur la création de rôles. Je n’ai pas une définition toute faite du jeu d’acteur. Je crois que c’est viscéral. C’est difficile à expliquer mais facile à comprendre. Tu peux dire à n’importe qui de jouer le rôle d’un voleur, et cette personne comprendra parfaitement. Bien sûr c’est un peu plus compliqué mais c’est comme ça que je me suis approché de ce métier.

C. L. : Est-ce difficile de jouer des rôles si distincts entre Palma Real Motel (Las Horas muertas d’Aarón Fernández Lesur, 2013) et Guten Tag, Ramón?
K. F. :
Un acteur doit être complètement malléable. Ce n’est pas la même chose de faire un film de Scorsese ou de Wes Anderson. Dans le film Palma Real Motelc’était par exemple un travail délicat avec moins d’égo. Et ça, c’est difficile pour un acteur parce que, même si personne ne te le dira, ce que veulent les acteurs, c’est être vu. Et ce film m’a obligé à me retirer du devant de la scène, et à être une personne normale, banale. Dans Guten Tag, Ramón c’était très différent, mon personnage était plus expressif. Ce film est un conte, une fable qui raconte l’histoire d’un migrant qui part en Allemagne. Je savais que le personnage était tout droit sortie d’un conte, alors je devais jouer d’une manière plus expressive.

Illustration 2
"600 millas" de Gabriel Ripstein © DR

C. L. : Que peux-tu dire de 600 millas ?
K. F. :
600 millas est un film hyperréaliste qui parle du trafic d’armes : c’est un film dur. Qu’est-ce qui est le plus terrible ? Un assassin qui tue en se moquant de sa victime ? Ou un homme tout simple, qui s’occupe de sa maison, embrasse sa fille, et qui plus tard assassine ? Je crois que le second est beaucoup plus effrayant. Il n’est pas nécessaire de créer un personnage cruel pour faire une bonne interprétation, mais ce sont les petits détails qui fonctionnent. Par exemple, Noé Hernández fait une petite apparition dans le film, mais très importante ! Il a utilisé tous ces petits détails, ces outils, pour donner vie à un personnage vraiment effrayant : le mec d’intérieur, tout simple, qui aime sa femme mais qui l’après-midi tue des gens, trafique des armes et vend de la drogue. C’est bien plus terrifiant non ?

C. L. : Comment choisis-tu les films dans lesquels tu vas jouer ?
K. F. :
Au début je n’avais pas vraiment le choix. Les projets que je recevais, je les acceptais parce que je voulais me faire connaître. J’ai participé à des projets sans être payé. C’est seulement ensuite que tu te rends compte qu’il y a une logique dans ton parcours. Mes trois premiers films par exemple : Sin nombre parle des gangs d’Amérique centrale aux États-Unis ; Días de gracia parle des kidnappings au Mexique et enfin El Infiernoparle du trafic de drogue au Mexique.
Je me suis rendu compte que tout est cohérent. Et oui, c’est important pour moi de raconter ces histoires sociales, qui sont le reflet de ce que nous sommes, et je pense qu’il n’y en a pas assez. Mais j’ai aussi fait des films plus lyriques comme Tercera llamada (Francisco Franco Alba, 2013) qui parle du théâtre ou Besos de azúcar (Carlos Cuarón, 2013) sur la perte de l’innocence, et enfin Guten Tag, Ramón.
C’est important pour un acteur de se diversifier. Mais à la base, je choisi les films dans lesquels je joue pour l’histoire. Souvent les gens invoquent les réalisateurs ou les producteurs. Non, moi je crois en l’histoire avant les noms. Si un jour Iñárritu me propose de tourner dans un de ses films, je me fierai d’abord à l’histoire. Enfin, les histoires sont toujours bonnes avec Iñárritu !
Ce que je veux dire c’est que le scénario est plus important que le nom du directeur. Avec Gabriel Ripstein, dont c’était le premier film, qui n’avait même pas fait un court-métrage, l’histoire était bonne. Et il a gagné un prix à Berlin. Avant Sin nombre de Cary Fukunaga non plus n’avait aucun CV et il a été à Sundance. Et Everardo Gout avec Días de gracia était en sélection à Cannes. Ce sont les histoires qui font les grands films. Avec une bonne histoire, tu as de bons rôles, et avec un bon rôle tu peux faire ce que tu veux.

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