Billet de blog 21 novembre 2015

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

(Re)naissance esthéticopolitique du cinéma latino-américain

Parution du livre Le Nouveau cinéma latino-américain d’Ignacio Del Valle DávilaSi en 2015 le cinéma en Amérique latine fait preuve d’une brillante vivacité, rares seront ceux, des professionnels du cinéma aux spectateurs, à employer le singulier pour toute cette aire géographique.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Parution du livre Le Nouveau cinéma latino-américain d’Ignacio Del Valle Dávila

Si en 2015 le cinéma en Amérique latine fait preuve d’une brillante vivacité, rares seront ceux, des professionnels du cinéma aux spectateurs, à employer le singulier pour toute cette aire géographique. Ainsi, le festival Cinélatino de Toulouse, auquel l’auteur a participé et a dédié son ouvrage aux salariés, bénévoles, stagiaires et membres de l’association ARCALT organisatrice du festival, met en avant plus que jamais dans son intitulé même « les cinémas » d’Amérique latine, prônant leur diversité comme signe flagrant de leur vitalité. Le singulier étudié ici par Ignacio Del Valle Dávila dans le cadre de sa thèse de doctorat en cinéma soutenue en 2012 à l’Université Toulouse-Jean Jaurès (avant de devenir un ouvrage édité par les Presses Universitaires de Rennes à destination d’un plus large public), répond à d’autres enjeux propre à la période historio-cinématographique de1960-1974. L’aube des années 1960 voit en effet émerger un renouvellement du cinéma à travers le monde qui bouleverse en tant que telle l’industrie cinématographique pour faire apparaître une revendication d’indépendance : ce sera la fin du Code Hays et progressivement des studios à Hollywood, l’apparition de la Nouvelle Vague, du Free Cinema, des diverses expériences en Europe de l’Est, au Japon, en Afrique noire, du Cinéma Novo au Brésil, l’apparition de l’ICAIC qui donnera naissance à une solide et enthousiasmante expérience cinématographique à Cuba… Cette période a été effervescente également au niveau idéologique et sociétal, tous les mouvements politiques en Amérique latine et dans le monde en témoignent ouvertement. C’est pourquoi l’usage du singulier caractérisant « Le Nouveau cinéma latino-américain » est un véritable défi revendicatif adressé aux grandes puissances cinématographiques étouffant la production nationale de chaque pays par le poids des films distribués. À l’instar de ce qui se passait également dans la sphère économique, plusieurs intellectuels latino-américains ont voulu mettre en avant la solidarité de cinéastes appartenant à un même continent. Cela est passé par la rédaction de manifestes, des collaborations internationales et surtout de rencontres physiques lors de festivals nouvellement créés pour promouvoir et soutenir ledit « cinéma latino-américain ». À cet égard, Ignacio Del Valle Dávila met en valeur les enjeux idéologiques et esthétiques de cette période qui est d’autant plus fondamentale qu’elle continue à éclairer l’actualité du cinéma même si le singulier a depuis longtemps été abandonné. Son approche est ici historique. Ses ressources reposent sur l’étude des témoignages de l’époque des grandes figures qui ont participé à l’émergence du concept de « nouveau cinéma latino-américain » ainsi que sur l’analyse des films eux-mêmes s’en réclamant explicitement. Il permet ainsi de (re)découvrir les expériences nationales de l’ICAIC et du « cinéma imparfait » (Por un cine imperfecto) de Julio García Espinosa à Cuba, l’École documentaire de Santa Fe d’un côté et le Cine Liberación de l’autre en Argentine, les discours revendicatifs du cinéaste brésilien Glauber Rocha et l’expérience du cinéma chilien sous la brève présidence de Salvador Allende. Cette analyse permet de mettre en avant les grands piliers qui ont soutenu ledit « cinéma latino-américain » sans pour autant chercher à atteindre l’exhaustivité. Ainsi, l’auteur ne parle pas de l’écho fait à ce concept à la même époque dans des pays comme le Mexique, l’Uruguay et tous les autres pays à la production plus modeste, notamment la Bolivie, même si la figure de Jorge Sanjinés et de son groupe Ukumau sont à plusieurs reprises évoqués. Ce choix est perspicace de la part de l’auteur car c’est bien à travers la compréhension de la structure globale de ce qui constitue l’architecture conceptuelle et pratique d’un cinéma que l’on peut envisager plus largement les répercussions dans ces autres pays. L’analyse d’Ignacio Del Valle Dávila permet d’entrevoir plus explicitement ainsi les liens étroits entre cinéma et politique, qui n’ont guère d’équivalent en France à la même époque du côté de la Nouvelle Vague. C’est pourquoi les enjeux des cinématographies latino-américaines actuellement jouissent d’un héritage de ce côté-ci bien plus riche, du côté de l’intertextualité comme du métacinéma. Mais ceci est une autre histoire.

Le Nouveau cinéma latino-américain (1960-1974)

d’Ignacio Del Valle Dávila

Sommaire :

  • La nouveauté et la latino-américanité dans le projet du Nouveau Cinéma latino-américain
  • L’ICAIC : de la centralisation du cinéma à l’ouverture latino-américaine
  • La « clé » de l’École documentaire de Santa Fe
  • L’articulation des discours nationaliste et latino-américaniste dans l’œuvre de Glauber Rocha
  • Le groupe Cine Liberación et la décolonisation culturelle
  • L’aventure d’un cinéma imparfait
  • Le cinéma chilien et le réseau du NCL (1970-1973)

Nombre de pages : 268

Format : 15,5 x 24 cm

ISBN : 978-2-7535-4147-4

Date de sortie (France) : 22 octobre 2015

Éditeur : Presses Universitaires de Rennes

Collection : Des Amériques

lien vers le site de l’éditeur : http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=3955

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.