Billet de blog 22 mars 2023

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"La Mort d'un bureaucrate" (La Muerte de un burócrata) de Tomás Gutiérrez Alea

Pour que sa tante puisse toucher la pension de son époux décédé, Juanchín doit récupérer le livret de travail de son oncle qui a été enterré avec. Commence une série de complications kafkaïennes auprès de la bureaucratie pour obtenir les autorisations nécessaires.

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Film de la programmation au cinéma L'Estran de Marennes du 18 au 25 mars de la sixième édition du festival Regard sur le Cinéma d'Amérique latine 2023 : La Mort d'un bureaucrate de Tomás Gutiérrez Alea

Grand succès public au moment de sa sortie cubaine, La Mort d'un bureaucrate (La Muerte de un burócrata) est l'opportunité de redécouvrir rétrospectivement la force de l'humour de Tomás Gutiérrez Alea.

Illustration 1
La Mort d'un bureaucrate La Muerte de un bureaucrata de Tomás Gutiérrez Alea © Tamasa

Sa comédie est au service de la satire dépeignant les excès d'une société régie par une bureaucratie extrêmement rigide. Profondément cinéphile, Tomás Gutiérrez Alea puisse ses ressources comiques dans le cinéma burlesque, associant à la fois dans une même danse Charles Chaplin, Laurel et Hardy, Harold Lloyd avec une pincée de Jacques Tati et de son personnage de M. Hulot confronté à l'aberration d'une société aliénée par ses règles.

Le film est à cet égard un véritable plaisir cinéphilique à identifier toute une histoire de références de divers horizons tout en s'installant dans un contexte cubain où l'humour noir est spontané car la mort est une cohabitation naturelle et spirituelle quotidienne. Les ressorts de sa mise en scène sont multiples, de l'accélération, des arrêts sur image en passant par l'animation image par image. Le film devient d'autant mieux un éloge de la folie pour se libérer d'un fonctionnement étroit et inhumain, que le récit multiplie les situations toujours aux limites avec un entendement rationnel. Pourtant, le film est présenté avec des prises de vue très détaillées et documentaires que le chef opérateur d'un film d'Orson Welles aurait particulièrement appréciées pour la richesse de leurs profondeurs de champ et les évocations qui se glissent dans chaque image. La bureaucratie normative devient ici la cible des frustrations humaines, tandis que les hommes de pouvoir ne cessent de développer leurs propensions à la prédation sexuelle vis-à-vis des femmes autour d'eux. Ce qui permet encore de témoigner de l'héritage d'une île soumise à la dictature de Batista où Cuba était devenu le bordel des USA. Rien de gratuit ainsi dans tous ces traits d'humour. Cette satire peut aussi être appréciée comme la retransposition burlesque du film Le Procès (1962) adapté de Kafka par Orson Welles.

Illustration 2

La Mort d'un bureaucrate
La Muerte de un burócrata 
de Tomás Gutiérrez Alea
Fiction
97 minutes. Cuba, 1966.
Noir & Blanc
Langue originale : espagnol

Avec : Salvador Wood (Juanchín, le neveu), Silvia Planas (la tante), Manuel Estanillo (le bureaucrate), Gaspar De Santelices (le neveu du patron), Omar Alfonso (Cojimar), Carlos Ruiz de la Tejera (le psychiatre), Richard Suarez (Tarafa), Luis Romay (El Zorro), Elsa Montero (Sabor), Tania Alvarado, Pedro Pablo Astorga, Laura Zerra, Roberto Gacio, Alicia Bustamante, Rafael Díaz, Carlos Gargallo, Rolando de los Reyes, Fausto Rodríguez, Rafael Sosa, Rolando Vidal

Scénario : Tomás Gutiérrez Alea, Alfredo L. Del Cueto, Ramón F. Suárez
Images : Ramón F. Suárez
Montage : Mario González
Musique : Leo Brouwer
Son : Carlos Fernández, Ricardo Istueta, Adalberto Jiménez, Eugenio Vesa Premiers assistants réalisateur : José Antonio Jorge, Luis M. López
Animation : Ventura Carruara, María Consuelo, Pepín Rodríguez Maquillage : Mary Ventura, Rolando Zaragoza
Décors : Luis Márquez
Costumes : Elba Pérez
Effets spéciaux : Enrique Forg
Production : Margarita Alexandre (ICAIC)
Distributeur (France) : Tamasa

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