Billet de blog 22 mars 2023

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Mémoires du sous-développement" (Memorias del subdesarrollo) de Tomás Gutiérrez Alea

En 1961, un écrivain issu de la classe bourgeoise cubaine décide de rester à Cuba tandis que tous ses proches fuient vers les USA l'installation de la Révolution castriste au pouvoir.

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Film de la programmation au cinéma L'Estran de Marennes du 18 au 25 mars de la sixième édition du festival Regard sur le Cinéma d'Amérique latine 2023 : Mémoires du sous-développement de Tomás Gutiérrez Alea

Devenue une œuvre culte du cinéma cubain et par ricochet du cinéma international, comme le souligne Martin Scorsese en tant que promoteur de la restauration de la copie de ce film, Mémoires du sous-développement (Memorias del subdesarrollo, 1968) est une singulière expression critique, dans son fond comme dans sa forme, à la fois du cinéaste lui-même et de l'état des lieux de la politique révolutionnaire au pouvoir. En effet, le personnage principal, en Casanova bourgeois cubain aliéné est un portrait de ce que le cinéaste aurait pu devenir et c'est à ce titre que Tomás Gutiérrez Alea apparaît dans son propre rôle en tant qu'ami du protagoniste.

Illustration 1
Memorias del subdesarrollo de Tomás Gutiérrez Alea © Les Films du Camélia

En 1968, date de sortie du film à La Havane, l'heure est à l'état des lieux, d'autant plus que la contestation commence à se faire jour au niveau international. En effet, la voix des pays non alignés devient plus audible face au puissant et écrasant binôme USA-URSS, dont le joug est toujours plus étouffant comme le rappellent les interventions de l'armée américaine au Viet Nam d'un côté et les armées soviétiques du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie pour étouffer le printemps de Prague.

C'est donc peu dire que l'atmosphère est particulièrement électrique au niveau international comme du point de vue personnel du cinéaste qui livre ici un regard critique singulier et complexe. Si le protagoniste de cette histoire n'est pas à proprement parler le cinéaste, cet anti-héros qui assume pleinement son statut de bourgeois individualiste aux propensions de prédateur sexuel, crée le trouble par ses interrogations souvent pertinentes et par ses multiples remises en question d'un ordre établi.

La remise en question se fond également dans la forme avec une grammaire cinématographique proposant au centre de sa narration la technique du collage pour interrompre un récit individuel et national qui ne peut plus couler de source.

À l'image de la première séquence qui ouvre le film sur une sensation d'ivresse et de transe parmi la foule qui conduit à la mort, Tomás Gutiérrez Alea dresse un état des lieux du Cuba des années 1968 d'une brillante modernité dans sa forme inspirée notamment du cinéma d'Alain Resnais et de Michelangelo Antonioni, doublé d'un regard sarcastique que le cinéaste cubain n'a cessé de nourrir au fil de ses films.

Mémoires du sous-développement
Memorias del subdesarrollo
de Tomás Gutiérrez Alea
Fiction
97 minutes. Cuba, 1968.
Noir & Blanc
Langue originale : espagnol

Avec : Sergio Corrieri (Sergio Carmona Mendoyo), Daisy Granados (Elena), Eslinda Núñez (Noemi), Omar Valdés (Pablo), René de la Cruz (le frère d'Elena), René Depestre (lui-même), Edmundo Desnoes (lui-même), Jack Gelber (lui-même), Tomás Gutiérrez Alea (lui-même), Gianni Toti (lui-même), David Viñas (lui-même), Yolanda Farr, Ofelia González, Jose Gil Abad, Daniel Jordan, Luis López, Rafael Sosa, Beatriz Ponchova, Gilda Hernández, Julio Vega, Eduardo Casado Revuelta, Oscar Alvarez, José Fraga, Juana Alburquerque, Marlene Acosta, Fausto Pinelo, Celia Quiñones, Eulalia González, Jorge Marcia Córdova, Pello el Afrokán, René Villarreal

Scénario : Tomás Gutiérrez Alea, d'après le roman d'Edmundo Desnoes Memorias inconsolables
Images : Ramón F. Suárez
Montage : Nelson Rodriguez
Musique : Leo Brouwer
Son : Carlos Fernández, Germinal Hernández, Eugenio Vesa
Premiers assistants réalisateur : Jesús Hernández et Ingeborg Holt Zeeland
Maquillage : Isabel Amézaga
Décors : Julio Matilla
Costumes : Elba Pérez
Production : Miguel Mendoza (ICAIC)
Distributeur (France) : Les Films du Camélia

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