Billet de blog 22 septembre 2025

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

FBAL 2025 : "Al oeste, en Zapata" de David Bim

Un homme chasse patiemment et en solitaire des crocodiles tandis que son épouse survit aussi de son côté en s'occupant de leur fils malade.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Al oeste, en Zapata de David Bim © DR

Film de la compétition documentaire de la 34e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2025 : Al oeste, en Zapata de David Bim

Dans une plongée en immersion dans la réalité d'un couple séparé par le poids éprouvant d'une réalité économique et sociale des plus contraignantes, David Bim seul à l'image et au son, suit ses trois protagonistes sans aucune interactions explicites avec sa caméra en laissant émerger la réalité quotidienne avec son rythme et ses luttes de survie. Le film débute ainsi à la manière de La Libertad (2001) de Lisandro Alonso sans la moindre parole de la part d'Orlando « Landi » García qui n'a pas besoin des extravagances d'un Crocodile Dundee pour exister, puisqu'il possède un savoir-faire dans sa chasse aux crocodiles issu de plusieurs décennies de pratiques non sans risques comme on l'apprendra par la suite. Ainsi, le long plan-séquence de la capture d'un crocodile est un concentré de tension installée dans le présent mais où l'histoire personnelle de cet homme ne cesse de surgir sans aucune parole.

Le film se divise en trois parties inégales, pour leur durée mais non pour leur importance, qui en font l'essence de la narration : la première centrée sur le quotidien d'Orlando « Landi » García, la deuxième sur celui de son épouse Mercedes Morejón et leur fils Deinis et pour terminer une troisième sur leur moment de vie commune avant un départ dans un mouvement résolument cyclique de la vie. David Bim s'inscrit ici dans une éthique résolument anthropologique de restitution du réel sans aucune intervention de celui-ci, refusant ainsi même un montage parallèle pour réunir à l'écran une famille séparée dans leur temporalité.

Dans un cadre de dénuement profond,Al oeste, en Zapata (2025) saisit avec une profonde dignité la résilience de ses personnages pour faire face à toutes les contraintes et continuer à lutter malgré tout dans un pays figé par une propagande névrotique diffusée régulièrement à la radio dans le quotidien des protagonistes. C'est en ce sens que le film sans le moindre discours explicite, présente un microcosme social ténu, celui d'une famille composée de trois membres, évoquant sans cesse le macrocosme cubain plus large, où le cinéaste lui-même rend hommage à la force de résistance-résilience de ses protagonistes plongé dans leur vie réelle qu'il filme avec bienveillance et pudeur, avec un respect profond de leur réalité qui n'appartient qu'à eux.

Le film s'inscrit également dans une longue filiation qui commence avec Nanouk l'Esquimau (Nanook of the North, 1922) réalisé par Robert Flaherty, à Des chats sauvages (2025) de Steve Patry, avec cette continuité prodigieuse qui consiste à construire une narration à partir de l'espace plastique minimaliste du Noir & Blanc, comme un aplat qui met sans cesse au premier plan les mouvements des personnages principaux.

Al oeste, en Zapata
de David Bim
Documentaire
74 minutes. Cuba, Espagne, 2025.
langue originale : espagnol

Avec : Orlando « Landi » García, Mercedes Morejón, Deinis
Scénario : David Bim
Images : David Bim
Montage : David Bim
Son : David Bim, Jesús Bermúdez
Production : Wouter Jansen (Square Eyes), Lia Rodriguez (Unfolding Content)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.