Billet de blog 23 mars 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté

"Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté" d'Hernán Rosselli sorti en salles en France à partir du 19 mars 2025, a été le premier film choisi pour lancer le jumelage entre les salles de cinéma Le Select à La Plata en Argentine et L'Estran en France. Le film fait à présent parti de la section "Découvertes fiction" du festival Cinélatino, Rencontres de Toulouse.

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Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté d'Hernán Rosselli © Les Alchimistes Films

La famille Felpeto, en banlieue de Buenos Aires, a développé une économie clandestine autour de paris sportifs mais les temps changent et leur activité est menacée par son illégalité depuis peu réprimée par la police.

L'Argentine de la débrouille et de la survie, quitte à enfreindre les lois pour détourner de l'argent, est un sujet cher à ce pays de cinéma avec des Neuf reines (Nueve reinas, 2000) de Fabián Bielinsky à Los Delincuentes (2023) de Rodrigo Moreno. C'est dans cette « tradition » transgressive et critique de l'économie ultra libérale initiée notamment dans les années 1990 par la présidence de Menem et à présent poursuivie avec la folie libertarienne de la présidence Milei, que s'enracine également cet Objet Filmique Non Identifié dont le titre même Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté (Algo viejo, algo nuevo, algo prestado) est une invitation à la singularité forte tout en offrant un programme littéral à suivre.

Le voyage dans le temps est constamment renouvelé avec des images d'archives documentaires tournées en vidéo alternant avec le récit de fiction qui lui-même n'est pas inscrit au temps présent du tournage. Le régime d'images cumule également un autre registre avec les vidéos des caméras de surveillance au centre de la protection vis-à-vis du monde extérieur de cette famille aux activités lucratives clandestines.

Le format 1,33 lui-même proche du carré invite à entrer à la fois dans une autre époque mais encore dans une expérience narrative inédite. Le fameux « art de la débrouille » de la famille Felpeto est d'autant plus présenté avec un regard non dénué de sympathie de la part du réalisateur qu'il cultive lui-même à son tour l'art du rapt pour s'approprier différentes d'images et créer un récit tout à fait personnel dans une industrie de cinéma formatée. C'est pourquoi cette famille portée par un matriarcat hors du commun, va à contre-courant des lignes normatives du pays et que l'on peut aisément y voir un double de fiction de l'équipe même du film face au macrocosme de l'industrie du divertissement cinématographique.

Comprendre le film de manière littérale ne s'offre pas d'emblée à la rationalité coutumière alors que l'une des clés possible d'entrée se trouve dans un rapport ludique à l'intrigue où l'approche particulièrement documentée d'une modeste mais bien organisée activité familiale clandestine se double d'une enquête sur la figure du père défunt. Si le microcosme social mis en scène avec soin rappelle les premiers films de Martin Scorsese des années 1970, notamment Mean Streets (1973), on retrouve également une nostalgie assumée mais néanmoins critique à l'égard d'un temps disparu d'une forme de criminalité comme dans Il était une fois en Amérique (Once Upon a Time in America, 1984) de Sergio Leone. Ainsi, l'approche à première vue expérimentale d'Hernán Rosselli se construit sur une cinéphilie généreusement nourrie, offerte en partage au public en plus d'une description d'une réalité sociale argentine documentée.

Illustration 2

Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté
Algo viejo, algo nuevo, algo prestado
d'Hernán Rosselli
Fiction
100 minutes. Argentine, Portugal, Espagne, 2024.
Couleur
Langue originale : espagnol
Sortie nationale (France) : 19 mars 2025

Avec : Maribel Felpeto (Maribel), Alejandra Cánepa (Alejandra), Hugo Felpeto (Hugo), Leandro Menendez (Leandro), Juliana Inae Risso (Juliana), Marcelo Barbosa (El Mago) Javier Abril Rotger (Facundo)
Scénario : Hernán Rosselli
Images : Joaquin Neira, Hugo Felpeto
Montage : Hernán Rosselli, Federico Rotstein, Jimena Garcia Molt
Son : Nahuel Palenque, Martin Gabriel Scaglia, Lautaro Zamaro, Javier Fernandez Jensen
Assistant réalisateur : Alejandro Rath
Décors : Micaela Lauro, Santino Mondini Rivas
Costumes : Sofía Davies
Production : 36 Caballos (Argentine), Juan Segundo Alamos
Coproduction : Proton Cine (Argentine) Mariana Luconi / Un Resentimiento de Provincia (Argentine) Hernán Rosselli / Zebra Cine (Argentine) Alejandro Rath / Oublaum Filmes (Portugal) Julia Alves / Jaibo Films (Espagne) Miguel Molina / Arde Cine (Argentine) Guido Deniro
Distributeur (France) : Les Alchimistes

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