Au sujet du livre Le Mexique des insoumis d'Alexandre Fernandez
L'histoire du XXe siècle au Mexique a commencé en 1910 avec la Révolution qui allait imposer une nouvelle gouvernance au pays. Fini la mainmise du pouvoir sous la dictature d'un même homme durant 35 ans (Porfirio Díaz 1876-1911), bienvenu dans un nouveau siècle où le pays tombe entre les mains avides d'un parti unique au pouvoir durant plus de 70 ans ! C'est peu dire qu'amère est cette révolution que d'aucuns considèrent comme inachevée ou gelée pour reprendre le terme de l'excellent documentaire de Raymundo Gleyser México, la revolución congelada (1973). Une fois dépecé le pouvoir politique en fin de Révolution, quid de la question agraire qui avait mobilisé tant de peones sans terre, qui réclamaient les moyens élémentaires de produire et maintenir leur vie quotidienne. On ne s'étonnera pas que Zapata, le leader révolutionnaire, reprenne vie en 1995 avec le mouvement zapatiste au sud du Mexique. La Révolution n'a pas fini de questionner tout comme l'a bien montré au cinéma le film collectif Revolución (2010) réalisé à l'occasion du centenaire de l'événement fondateur mexicain.
Dans l'histoire de l'humanité, ce n'est pas la première fois qu'une révolution ait à un moment donné été confisquée par un groupe d'individus ayant accédé au pouvoir en gravissant sans scrupule aucun les marches sanglantes de la hiérarchie sociale ainsi établie, en France comme en Russie notamment, avec des figures emblématiques de l'autoritarisme que sont Napoléon Bonaparte ou Joseph Staline. Pour ces différents sujets et d'autres encore, l'histoire de la révolution mexicaine, devenue emblème officiel national, mérite d'être questionnée et revisitée. C'est l'horizon que s'est donné Alexandre Fernandez, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux. 256 pages pour traverser l'histoire mexicaine dans toute sa complexité, c'est bien peu, mais l'objectif ici est d'établir une synthèse de ce récit, à la lumière des recherches historiques récentes. Ainsi, Jean Meyer, la référence en la matière de l'histoire de la révolution mexicaine, est cité mais aussi questionné. Cet ouvrage pourrait être le « Mallet & Isaac » de la révolution mexicaine, en faisant la part belle aux différentes batailles, personnages historiques fondamentaux qui ont pris part à ladite Révolution avec des intérêts convergents mais souvent divergents entre eux. Pour autant, il ne faut pas attendre une nouvelle relecture rétrospective à l'aune des événements politiques mexicains de ce nouveau millénaire. L'auteur a défini rigoureusement son champ d'exploration historique et ne cherche jamais à avoir l'ambition de mettre en relation les événements d'hier avec ceux d'aujourd'hui. Certains regretteront aussi, c'est du moins un avis que je partage, l'absence de contexte sociologique, qui permette plus précisément de comprendre la situation des individus qui n'ont eu d'autres choix à un moment donné de prendre les armes pour assurer leur vie quand ce n'est pas leur survie. Mais il est vrai que ce serait alors un tout autre livre, certainement constitué de plusieurs tomes. Pour cette raison, cet ouvrage, qui sort des analyses universitaires plus complexes, constitue une adéquate introduction à l'histoire de la Révolution mexicaine.
Agrandissement : Illustration 1
Le Mexique des insoumis. La Grande révolution de 1910
d'Alexandre Fernandez
Nombre de pages : 256
Date de sortie (France) : 5 novembre 2015
Éditeur : Vendémiaire
Collection : Révolutions