Billet de blog 23 septembre 2023

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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FBAL 2023 : "État de siège" de Costa-Gavras

En 1970 à Montevideo en Uruguay, un citoyen américain travaillant pour pour l'Agence International pour le Développement des USA est kidnappé par les Tupamaros. Ceux-ci l'interrogent sur ses responsabilités techniques dans la formation des policiers et des militaires dans la répression de la contestation sociale.

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Film du focus « Chili : 50 ans après le coup d'État » de la 32e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2023 : État de siège de Costa-Gavras

Après avoir dénoncé avec une démonstration efficace les mouvements totalitaires récents dans Z (1969) avec la dictature des colonels en Grèce et L'Aveu (1970) sur le stalinisme d'après le livre d'Arthur London, Costa-Gavras avec État de siège s'inspire de l'histoire vraie de l'enlèvement par les Tupamaros en Uruguay de Dan Mitrione. Cet agent du FBI sous couverture de l'USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) a ainsi formé la police locale aux techniques de répression et de dissuasion à travers notamment l'usage de la torture. Ironie malheureuse de l'histoire, cette dénonciation de l'intervention américaine dans les républiques latino-américaine pour former à la répression les forces policières et militaires contre les mouvements classés à gauche de l'échiquier politique a été tourné au Chili, a été tourné par Costa-Gavras au Chili un an avant le coup d'État et l'instauration d'une dictature au service des intérêts des USA.

Illustration 1
État de siège de Costa-Gavras © DR

La mise en scène adoptée ici reprend la description chorale du rôle des différents acteurs d'un drame politique à l'instar de Z, avec des allers et retours temporels et géographiques en fonction des répercussions de la gestion de la crise dudit État de siège, que ce soit du côté de la police, des députés, des journalistes comme des kidnappeurs tupamaros et de leurs détenus. Ce choix de mise en scène n'est pas sans rappelée à plusieurs égards ceux choisis par Marco Bellocchio dans sa récente série télévisée Esterno Notte (2022) décrivant l'enlèvement d'Aldo Moro par les Brigades Rouges en Italie, avec notamment un récit qui commence a posteriori avec une voiture retrouvée dans laquelle se trouve le corps sans vie du personnage au centre de l'intrigue.

Costa-Gavras se sert de la trame du film de procès pour révéler progressivement sous la forme d'aveux, l'implication réelle d'un citoyen américain aux intentions moins innocentes qu'elles pouvaient paraître, cachées sous la couverture d'une aide humanitaire. Yves Montand après avoir joué un rôle similaire sous la direction de Costa-Gavras d'un homme qui passe aux aveux, met incidemment en confrontation des techniques distinctes d'aveux forcés entre les agents staliniens et les membres des Tupamaros. La persona d'Yves Montand permet d'éviter le manichéisme entre méchants américains et latino-américains victimes de l'impérialisme nord-américain : l'enjeu pour Costa-Gavras et son coscénariste Franco Solinas (scénariste de Gillo Pontecorvo sur La Bataille d'Alger et d'autres films politiques parmi les plus brillants du cinéma italien) est de décrire finement et patiemment les différentes ramifications occultes de la politique contre-révolutionnaire des USA en Amérique latine.

Le film reste de nos jours ainsi un document pédagogique précieux pour comprendre la géopolitique latino-américain et la multiplication des dictatures répressives à l'égard des revendications sociales dans les années 1960 et 1970. La mise en scène est particulièrement efficace avec une influence du cinéma politique italien parfaitement digérée, quand on pense notamment au cinéma de Francesco Rosi dont Franco Solinas a également été le scénariste.

État de siège
de Costa-Gavras
Fiction
121 minutes. France, Italie, Allemagne de l'Ouest, 1972.
Couleur
Langues originales : français, anglais

Avec : Yves Montand (Philip Michael Santore), Renato Salvatori (le capitaine Lopez), O. E. Hasse (Carlos Ducas), Jacques Weber (Hugo, membre dirigeant des Tupamaros), Jean-Luc Bideau (Este, membre dirigeant des Tupamaros), Jacques Perrin (le standardiste militaire en début de film et un journaliste en fin de film), André Falcon (le député Fabbri), Maurice Teynac (le ministre de l'intérieur), Yvette Étiévant (la femme du sénateur), Christian Marin (un policier), Maurice Jacquemont (le doyen de la faculté de droit),
Scénario : Franco Solinas, Costa-Gavras
Images : Pierre-William Glenn
Montage : Françoise Bonnot
Musique : Mikis Theodorakis
Ingénieur du son : André Hervée
Mixage sonore : Jacques Maumont
Montage sonore : Michèle Boëhm
1er assistant réalisateur : Christian de Chalonge
Assistants réalisateurs : Pablo de la Barra, Eduardo Durán, Jorge Durán, Emilio Pacull
Décors : Jacques D'Ovidio
Costumes : Piet Bolscher
Maquillage : Maud Begon
Scripte : Sylvette Baudrot
Production : Reggane Films
Coproduction : Euro International Films, Unidis, Dieter Geissler Filmproduktion Producteur délégué : Jacques Perrin
Producteurs exécutifs : Jacques Henri Barratier, Léon Sanz

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