Billet de blog 23 septembre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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FBAL 2024 : "Penal Cordillera" de Felipe Carmona

Dans un centre pénitencier de luxe aux pieds de la Cordillère des Andes, les chefs militaires responsables de la dictature cohabitent avec leurs geôliers également militaires qui leurs servent de domestiques.

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Illustration 1
Penal Cordillera de Felipe Carmona © Cinestación

Film de la compétition long métrage fiction de la 33e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2024 : Penal Cordillera de Felipe Carmona

Le Chili n'en a pas fini de se confronter avec l'état d'impunité accordée aux génocidaires de la dictature et Penal Cordillera (2023) de Felipe Carmona est une critique à charge contre cet état de fait. Le scénario original de Felipe Carmona est construit d'après l'histoire vraie de ces génocidaires prisonniers de luxe, rappelant après El Club (2015) de Pablo Larraín que les institutions de soutien de la dictature de Pinochet, à savoir l'armée et l'Église catholique, connaissent une justice antidémocratique par rapport à des crimes qui concernent pourtant la société civile dans son ensemble.

Ce huis clos utilise le grotesque comme ligne d'interprétation pour représenter ces personnages à travers toute la haine qui les habitent encore et qui les conduit à ne ressentir aucune culpabilité pour leurs crimes. La seconde singularité du film qui s'oppose frontalement à l'approche documentaire d'une réalité, c'est que le réalisateur fait appel à une infinité d'évocations cinématographiques pour sans cesse rappeler l'horreur de la fiction dans laquelle ces responsables militaires se sont résolument enfermés. La folie militaire est ainsi rendue par un plan d'une sortie d'eau du jeune militaire évoquant la scène du capitaine Willard reprenant la folie du colonel Kurtz Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola ou encore la scène d'orgie gastronomique clin d' œil à La Grande bouffe (1973) de Marco Ferreri qui offre en lecture la dimension dévoreuse et prédatrice tout autant qu'un suicide collectif par l'excès de consommation en guise d'interprétation possible.

Ainsi, Penal Cordillera est hanté par les convocations de l'horreur au cinéma tout autant que le Chili est hanté par ses tortionnaires d'une dictature toujours impunie. Le constat est autant glacial par sa violence inhérente que nourri par un humour utilisant les codes du grotesque dans une tradition issue de la Commedia dell'arte.

Penal Cordillera
de Felipe Carmona
Fiction
104 minutes. Chili, Brésil, 2023.
Couleur
Langue originale : espagnol

Avec : Andrew Bargsted (Navarrete), Bastián Bodenhöfer (Miguel Krassnoff), Mauricio Pešutić (Marcelo Moren), Hugo Medina (Manuel Contreras), Alejandro Trejo (Odlanier Mena), Óscar Hernández (Pedro Espinoza), Daniel Alcaíno (Sepúlveda), Juan Carlos Maldonado (Galdames), Nicolás Zárate (Castro)
Scénario : Felipe Carmona
Images : Mauro Veloso
Montage : Olivia Brenga
Musique : Mariá Portugal
Design sonore : Daniel Turini
Coordination des effets visuels : Núbia Teixeira
Direction artistique : Francisca Correa
Maquillage : Andrea Díaz
Assistant réalisateur : Leonardo Contreras
Sociétés de production : Cinestación, Multiverso Produções
Production : Dominga Sotomayor, Omar Zúñiga, Daniel Pech
Société de coproduction : El Otro Film
Coproductrice : Marianne Mayer-Beckh
Vente internationale : Luxbox

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