Billet de blog 23 septembre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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FBAL 2024 : "Querido trópico" d'Ana Endara

Ana María, Colombienne sans papiers au Panama qui affiche une grossesse solitaire de quelques mois, est employée pour s'occuper de Mercedes, femme riche qui a construit la richesse de sa famille, à présent confrontée à la maladie qui lui fait perdre ses repères au quotidien.

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Illustration 1
Querido trópico d'Ana Endara © Mente Pública

Film de la compétition long métrage fiction de la 33e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2024 : Querido trópico d'Ana Endara

Querido trópico est une passionnante rencontre entre un scénario finement écrit par Ana Endara et Pilar Moreno qui saisit avec subtilité la vulnérabilité de deux femmes confrontées à la solitude, l'ingénieuse construction des plans et des mouvements de caméra de Nicolás Wong Díaz qui multiplie les couches de lecture quant à la définition des personnages inscrits dans un espace qui les emprisonne et les interprétations viscérales de Jenny Navarrete et Paulina García à la complémentarité émouvante dans leur confrontation à la mort et au soin de l'autre. Avec une mise en scène d'une maîtrise parfaite au service de l'expression de ses protagonistes d'une exquise approche, Ana Endara signe un premier long métrage de fiction d'une singularité confondante à saisir avec pudeur la vulnérabilité comme expression d'une humanité révélée.

La détresse de deux femmes séparées par leurs différences sociales, l'une matriarche qui a toujours affirmé son indépendance à construire à elle seule le foyer familial au Panama et la seconde, jeune Colombienne en situation économique précaire qui porte un deuil profond autour de la construction douloureuse familiale. La cinéaste offre un récit très intimiste qui vient révéler des liens d'interdépendances bienveillantes qui officiellement ne peuvent s'afficher, à l'instar de ce moment de photos de famille où Jimena, la fille de Mercedes, tente de forcer d'écrire une histoire qui n'est pas autour d'une réunion familiale heureuse. En ce sens, l'intime des relations rejoint avec pertinence en seconde lecture implicite les liens géopolitiques, remettant en cause les barrières imposées par les classes sociales comme par les pays pourtant voisins. Querido trópico devient ainsi éminemment politique en luttant contre la xénophobie ambiante à force d'enfermer des personnes dans des cases et cages, quand bien mêmes celles-ci seraient dorées.

La mise en scène qui confine à l'épure du récit dans l'observation attentive du quotidien de deux femmes encouragées à faire choir la fatalité ambiante d'une histoire de vie, dans un monde patriarcal où la femme n'est prise en considération que par sa capacité à enfanter et poursuivre le projet d'une reproduction sociale au profit d'une seule classe promue comme modèle glorieux mais nullement inclusive. Dès lors, le symbole extérieur de richesse et de protection que constitue la maison, devient un lieu sans âme où les reflets des personnages participent à les enfermer sur eux-mêmes alors que la douce musique du jardin extérieur au son des bambous s'entrechoquant offre la perspective de cultiver un autre jardin ouvert sur le monde.

Querido trópico
d'Ana Endara
Fiction
108 minutes. Panama, Colombie, 2024.
Couleur
Langue originale : espagnol

Avec : Jenny Navarrete (Ana María), Paulina García (Mercedes), Juliette Roy (Jimena), Syddia Ospina (Cristina), Mariusol Salazar (Yoana), Marie Claire de Bueno (une amie de Mercedes), Patrizia Pagan de Paganis (une amie de Mercedes), Michelle Hatch (une amie de Mercedes),
Scénario : Ana Endara, Pilar Moreno
Images : Nicolás Wong Díaz
Montage : Bertrand Conard
Chanson : Lo único que tengo de Victor Jara interprétée par Michelle Blades
1er assistant réalisateur : Felipe Zúñiga
Design sonore : Carlos E. García
Son : José Rommel Tuñón
Casting : Carlos « Fagüa » Medina, Natalia Imery Almario, Juan Said Isaac
Scripte : Edna Herrera
Coaching actoral : Kattia G. Zúñiga
Production : Isabella Gálvez Peñafiel, Joan Gómez Endara
Direction de production : Isabella Gálvez Peñafiel
Sociétés de production : Mente Pública, Big Sur Películas, Mansa Productora
Vente internationale : FiGa Films

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