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Sortie du Combo Blu-ray + DVD : La Última cena de Tomás Gutiérrez Alea
Suite à un travail de réédition et tout d'abord de restauration conséquents, les œuvres du cinéaste cubain de Tomás Gutiérrez Alea qui ont marqué durablement l'histoire du cinéma, retrouvent leur pleine actualité pour permettre de clarifier les enjeux dans sa filmographie et comprendre la possibilité d'une indépendance critique des artistes à l'intérieur du régime castriste.
Or, La Última cena (1976) arrive à une époque où l'art au sein de Cuba a été officiellement décrété comme entièrement dévolu au pouvoir castriste. C'est dans ce cadre que le recours à une époque passée permet de brosser et questionner la réalité contemporaine du tournage sans officiellement qu'il en soit mention. Car si le film s'attache à dénoncer à première vue l'esclavagisme, ce qui est en soi une valeur politique moindre puisque sont heureusement minoritaires les personnes à défendre à l'époque du tournage cette pratique criminelle et xénophobe de l'exploitation de l'être humain, il est question d'une pression pour lancer et développer de manière abondante l'industrie sucrière qui est aussi la réalité économique sous décision politique du Cuba des années 1970. En cela, le cinéaste poursuit son questionnement du régime politique tout en conservant sincèrement une réelle adéquation à la ferveur révolutionnaire.
La fameuse Cène éponyme renvoie à celle évoquée explicitement lors d'une séquence par Luis Buñuel dans Viridiana (1961) dans une remise en cause profonde de l'hypocrisie de l'ordre en place, qu'il soit catholique ou non, tout en s'éloignant résolument d'une vision manichéiste qui ferait des esclaves des victimes infantilisées et des esclavagistes de méchants et infâmes exploiteurs. Le moment de « bonté » chrétienne, qu'il s'agisse de celle de Viridiana comme ici du comte, est remis en cause en confrontant une morale individuelle déconnectée de sa complicité avec un ordre au pouvoir. De ce moment de contradiction, Tomás Gutiérrez Alea en concentre une grande part de son intrigue puisque ladite Cène a une durée de 50 minutes sur un film de 121 minutes.
Quant à l'introduction et le dénouement qui entourent cette longue séquence, tous deux permettent au cinéaste de démontrer la futilité des grands discours par rapport à la réalité d'un système d'oppression dont l'essence est encore sa reproduction permanente.
Ajoutons à cela une édition marquée par les interventions lumineuses et passionnantes de l'universitaire Julie Amiot en guise de suppléments de cette édition vidéo.

La Última cena
de Tomás Gutiérrez Alea
Avec : Nelson Villagra, Silvano Rey, Luis Alberto García, José Antonio Rodríguez, Samuel Claxton, Mario Balmaseda, Idelfonso Tamayo, Julio Hernandez, Tito Junco, Andrés Cortina, Mirta Ibarra, Manuel Puig, Elio Mesa, Francisco Borroto, Luis Salvador Romero, Alfredo O'Farril, Leandro Espinoza, Mario Acea, Miguel Guerra, Peki Pérez, José Díaz
Mexique, Cuba, Espagne, 1976.
Durée : 121 min
Sortie en salles (France) : 23 mars 1983
Sortie France du combo Blu-ray + DVD : 30 avril 2024
Format : 1,85 – Couleur
Langue originale : espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Tamasa Distribution
Bonus :
le livret « La Ultima cena : Sang et sucre » par Sandra Hernandez (16 pages)
« Un cinéaste exigeant dans la révolution » (37’) par Julie Amiot
« L’Impossible rédemption » (18’) par Julie Amiot
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