Film de la programmation au cinéma L'Estran de Marennes du 18 au 25 mars de la sixième édition du festival Regard sur le Cinéma d'Amérique latine 2023 : Fraise et chocolat de Tomás Gutiérrez Alea et Juan Carlos Tabío
Avant dernier film de Tomás Gutiérrez Alea, Fraise et chocolat (Fresa y chocolate) continue à posséder une notoriété forte auprès du public mondial, reconnu en son temps par les USA avec sa nomination à l'Oscar du meilleur film étranger et dans un contexte où sortir l'homosexualité du tabou et de la marginalisation médiatique devenait une urgence internationale. Tomás Gutiérrez Alea reprend le principe narratif de son chef-d'œuvre Mémoires du sous-développement (Memorias del subdesarrollo, 1968) avec la figure de l'intellectuel qui vient égratigner ou du moins questionner la politique cubaine à partir d'une adaptation littéraire, ici El Bosque, el lobo y el hombre nuevo, nouvelle de Senel Paz.

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En revanche pour Fraise et chocolat, le récit s'inscrit plutôt dans la tradition du « roman d'apprentissage » avec la confrontation de deux points de vue opposés sur l'adhésion aveugle ou non à la politique du parti unique. La contestation se focalise ici sur la discrimination des homosexuels comme figures dissidentes et alternatives à la figure imposée par la propagande d'El Hombre nuevo (sic).
Au fil de leurs rencontres, Diego et David abandonnent leurs obsessions initiales qui les conduisaient à considérer l'autre comme l'objet de leurs fantasmes afin que chacun exprime sa pleine individualité en tant que sujet à part entière. Le désir de l'autre se transforme ainsi peu à peu en une amitié profonde aux accents d'amour platonique comme une ode à la tolérance et à l'ouverture après des siècles d'homophobie qui a notamment eu pour conséquence à Cuba de conduire des personnes à être internées dans des camps pour l'unique raison de la condamnation de leur orientation sexuelle.
Tourné en pleine Période Spéciale, alors que le pays sans le soutien économique de l'URSS qui venait de disparaître, plongeait dans une profonde crise économique sans précédent, la réalité filmée en porte les stigmates même si l'histoire est censée se dérouler en 1979. Situer l'intrigue à cette époque, permettait de faire accepter la dénonciation de l'homophobie puisqu'au début des années 1980 les politiques cubains avaient fait amande honorable en reconnaissant leurs responsabilités dans leurs discriminations homophobes. Or, le tournage rend bien compte d'un cadre socio-historique propre aux années 1990, ce qui en seconde lecture permet une analyse contemporaine du tournage des sujets abordés.
Tomás Gutiérrez Alea assisté à la coréalisation par Juan Carlos Tabío, continue à rendre ses hommages à une cinéphilie élargie incluant aussi bien Marilyn Monroe, Billy Wilder (Nobody's perfect!) que le plus récent Pedro Almodóvar dans les excentricités décomplexées de ses personnages et la revendication du mélodrame comme choix de mise en scène pleinement assumée.

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Fraise et chocolat
Fresa y chocolate
de Tomás Gutiérrez Alea et Juan Carlos Tabío
Fiction
110 minutes. Cuba, Espagne, Mexique, 1993.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Jorge Perugorría (Diego), Vladimir Cruz (David), Mirta Ibarra (Nancy), Francisco Gattorno (Miguel), Joel Angelino (German), Marilyn Solaya (Vivian), Andrés Cortina (le prêtre), Antonio Carmona (le petit ami), Ricardo Ávila (le chauffeur de taxi), María Elena del Toro (une passagère), Zolanda Oña (une passagère), Diana Iris del Puerto (la voisine), Johnny Depp (le policier)
Scénario : Tomás Gutiérrez Alea et Senel Paz d’après sa nouvelle El Bosque, el lobo y el hombre nuevo
Images : Mario García Joya
Montage : Miriam Talavera, Osvaldo Donatién, Rolando Martinez
Musique : José María Vitier
Son : Germinal Hernández
Décors : Fernando Pérez O’Reilly
Costumes : Miriam Dueñas
Production exécutive : Georgina Balzaretti, Frank Cabrera, Camilo Vives
Production associée : Nacho Cobo, Juan Muñoz
Sociétés de production : ICAIC (Cuba), SGAE (Espagne), Telemadrid (Espagne), IMCINE (Mexique), Tabasco Film (Mexique)
Distributeur (France) : Tamasa