Billet de blog 24 août 2017

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Carnets de voyage d'une jeunesse idéaliste

Le corps de Gabriel Buchmann est retrouvé sans vie près du mont Mulanje au Malawi. Ce jeune homme brésilien idéaliste, avant d'intégrer une prestigieuse université américaine, avait décidé de parcourir le monde.

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Illustration 1
"Gabriel et la montagne" de Fellipe Barbosa © DR

Sortie nationale (France) du 30 août 2017 : Gabriel et la montagne de Fellipe Barbosa

Gabriel et la montagne, le second long métrage de Fellipe Barbosa, après Casa grande, s'inscrit pleinement dans ces récits initiatiques tragiques que sont La Vallée de Barbet Schroeder et Into the Wild de Sean Penn, où une jeunesse éprise d'idéaux s'enfonce dans une quête impossible loin de l'inhumanité contemporaine de la civilisation occidentale. C'est un déracinement total que suivent ces personnages portés par un désir absolu de renaissance dans un autre monde. Si renaître nécessite une mort symbolique, la mort physique n'est jamais très loin lorsque l'on se trouve en dehors d'une transmission ancestrale de la manière de vivre dans un environnement donné. L'histoire que Fellipe Barbosa adapte est issue d'une histoire vraie, celle d'un défunt ami. La mort ultime est annoncée dès la première séquence mais par la puissance de convocation des fantômes du passé propre au cinéma, le cinéaste le fait revivre à travers tout ce film, en commençant par cette scène saisissante où le personnage éponyme surgit dans le cadre en se réveillant après que le spectateur ait découvert son corps sans vie. S'il y a la dimension centrale du deuil dans ce film à l'égard de personnes décédées en raison de leurs exigences à l'égard de la vie, Fellipe Barbosa explore diverses thématiques qui sont autant de pistes pour découvrir et comprendre ce fascinant personnage. Le film se situe à l'instar d'Into the Wild dans la lignée du road movie fait d'étonnantes rencontres qui renforcent la sensibilité politique de Gabriel, le personnage principal. Le parcours de Gabriel n'est pas non plus sans rappeler celui du jeune Ernesto Guevara parcourant l'Amérique latine dans un voyage initiatique sociopolitique finement racontée par Walter Salles dans Carnets de voyage. Au-delà du marketing moribond et abject de l'icône cheguevarienne, le Che questionne de nos jours encore le malaise pour les jeunes générations contraintes d'accepter la séparations des classes sociales toujours plus virulentes à l'heure où la frontière entre Nord et Sud s'incarnent dans les morts laissées sur le chemin des grandes vagues migratoires. Le personnage de Gabriel est le prolongement du personnage de Jean du premier film de Fellipe Barbosa Casa grande. Tous deux veulent fuir l'avenir doré que leur promet la classe sociale aisée à laquelle leur famille appartienne. Et si l'aboutissement est plus dramatique au final pour Gabriel, son cheminement est constitué de multiples belles rencontres qui lui permettent d'être accueilli et intégré aux univers qu'il traverse, dépassant le statut inconfortable de l'irresponsabilité inconsciente du touriste consommateur. Fellipe Barbosa a alors fait un choix éminemment pertinent en construisant son scénario à partir du témoignage des différentes personnes réelles que Gabriel a rencontré et en leur offrant leur propre rôle dans le film. Cette démarche s'inscrit pleinement dans une volonté de partager le deuil de chacun, puisque chaque interlocuteur est invité à offrir la trace de vie que Gabriel a laissé en chacun d'eux. C'est la conjoncture de leur témoignage, de leur présence devant la caméra et de l'interprétation que Fellipe Barbosa fait de ce parcours de vie, qu'émerge à l'écran l'énergie qui portait littéralement Gabriel et ne cesse pas d'interroger le rapport de chacun à la mondialisation.

Illustration 2

Gabriel et la montagne
Gabriel e a montana
de Fellipe Barbosa
Fiction
129 minutes. Brésil - France, 2017.
Couleur
Langues originales : anglais, portugais, swahili, chichewa, français

Avec : João Pedro Zappa (Gabriel Buchmann), Caroline Abras (Cristina Abras) et dans leurs propres rôles : Alex Alembe, Lenny Siampala, John Goodluck, Rashidi Athuman, Tonny Lesika, Rhosinah Sekeleti, Luke Mpata, Lewis Gadson
Scénario : Fellipe Barbosa, Lucas Paraizo, Kirill Mikhanovsky
Images : Pedro Sotero
Montage : Théo Lichtenberger
Musique : Arthur B. Gillette
Son : Pedro Sá Earp, Waldir Xavier
Mixage : Bruno Tarrière
Décors : Ana Paula Cardoso
Casting : Amanda Gabriel
Production : TV Zero, Damned Films
Coproduction : Arte France Cinéma, Canal Brasil
Producteurs : Rodrigo Letier, Roberto Berliner, Clara Linhart, Yohann Cornu
Coproducteurs : Olivier Père, Rémi Burah, Vincho Nchogu
Producteur exécutif : Mauro Pizzo
Distributeur (France) : Version Originale Condor

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