Billet de blog 25 juillet 2014

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Leon Hirszman, figure de proue d’un cinéma social impliqué

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Sortie du coffret DVD 5 films, de Leon Hirszman

 Cette année (en juin 2014) est ressortie en salles São Bernardo qui avait également été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 1972. Mais à part ce film, force est de constater que l’œuvre de Leon Hirszman est mal connue en France et que la sortie de ce coffret sera en mesure de lever l’affront de ce triste oubli auprès des cinéphilies hexagonales. Leon Hirszman est une figure incontournable pour tous ceux désireux de connaître le cinéma brésilien à travers l’expérience fondamentale que fut le Cinema novo dans les années 1950 et 1960. Passionné de cinéma, Leon Hirszman s’est complètement révélé à lui-même à travers ce moyen d’expression. Cela a commencé avec son court métrage La Carrière de São Diego intégré au film à sketch Cinco vezes favela. Son film était encore sous influence eisensteinienne et ce n’est que peu à peu que son style s’affirme avec une personnalité qui n’appartient à aucune autre. Quoi qu’il en soit, ses intentions sont d’ores et déjà bien présentes et il ne les quittera pas tout au long de sa filmographie. Ce coffret de DVD est ainsi l’opportunité de découvrir un homme engagé dans la société brésilienne en pleine mutation qui en outre subissait un régime dictaturial s’écoulant sur plusieurs décennies. Au terme de celle-ci d’immenses grèves émergent d’où se dégage la figure du futur président Lula qui était alors un fervent leader syndicaliste : Leon Hirszman rencontre la réalité de ces grèves au moment même où il tourne son film Ils ne portent pas de smoking (Eles não usam black-tie) : cela donnera le documentaire ABC de la grève film dont le montage resta inachevé car le cinéaste est décédé en 1987. Moins prolixe que Ken Loach en raison de son décès prématuré, Leon Hirszman est avec le cinéaste anglais (auteur du documentaire Les Dockers de Liverpool) l’un des rares dans le cinéma à s’intéresser au cœur d’un mouvement gréviste pour tenter de comprendre tout ce qui s’y joue. Ce documentaire pourrait très bien se trouver au centre de son œuvre comme un miroir non déformant de ses thématiques à l’œuvre. Car si la plupart du temps Leon Hirszman adaptait des textes originaux de grands noms de la littérature brésilienne, sa mise en scène mettait l’accent sur les conflits essentiels entre les individus. Du déroulement d’une grève dans ABC de la grève, Leon Hirszman filme d’une certaine manière la fin d’un pouvoir dictatorial puisque ce sont des ouvriers qui poursuivent leurs convictions politiques pour construire un monde plus adapté à leurs besoins. L’histoire d’une grève avec les figures qui y apparaissent est ainsi incontournable à saisir pour appréhender le monde politique de demain qui est alors en train de se construire.

Illustration 1

Plus intime, les luttes sociales dans Ils ne portent pas de smoking apparaissent sous la forme d’un conflit intergénérationnel entre un père et son fils, traduisant les conflits intérieurs au plus profond des hommes et femmes en grève, offrant une tragédie shakespearienne à des scènes de la vie de tous les jours, où il n’est pas question de prendre le pouvoir sur un royaume mais d’accéder à des ressources pour être en mesure de vivre dignement. Le documentaire et la fiction réalisés dans les mêmes lieux et au même moment peuvent être considérés comme un même film, l’un éclairant le sous-texte de l’autre et réciproquement. Car l’intime paradoxalement n’est accessible qu’à travers la fiction et l’identité publique à travers le réalisme du documentaire. Être en lien avec la société contemporaine toujours en pleine construction, c’est associer à la fois regards documentaire et de fiction, de la même manière que fiction et réalité sont étroitement liés, permettant l’existence de l’un et l’autre en état de symbiose.

Ajoutons en complément des films de Leon Hirszman dans ce coffret, un documentaire consacré au cinéaste par Eduardo Escorel, monteur de Glauber Rocha, Joaquim Pedro de Andrade, Carlos Diegues mais aussi de Leon Hirszman pour les films São Bernardo et Ils ne portent pas de smoking.

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Illustration 2

Sortie France du coffret DVD : 30 mai 2013

Langue : portugais - Sous-titres : anglais, français.

Coffret 2 DVD

Prix public conseillé : 30,00 €

Éditeur : Doriane Films

Collection : Soleil / Mémoire

DVD1

Ils ne portent pas de smoking (Eles não usam black-tie) 1981 - Fiction 134 min
Avec : Fernanda Montenegro, Gianfrancesco Guarnieri, Carlos Alberto Riccelli, Bete Mendes

La Carrière de São Diego 1962 - Fiction 18 min
Avec : Francisco de Assis, Glauce Rocha, Sadi Cabral, Joel Barcelos, José Zõzimo, Andrey Salvado

DVD2
ABC de la grève
1979/90 – 86 min

Écologie 1979 – 13 min

Mégalopole 1974 – 12 min

Bonus :
Laisse-moi parler en ton nom
(83 min), documentaire d'Eduardo Escorel sur Leon Hirszman
Livret illustré de 18 pages présentant des textes de Carlos Augusto Calil, José Carlos Avellar, Robert Grélier, Bernard Nave et Leon Hirszman

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