Film de la compétition long métrage fiction de la 32e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2023 : El Castigo de Matías Bize
Présenté comme un film qui tire la performance de sa mise en scène autour d'un unique plan-séquence, ce défi est avant tout au service de l'intrigue développée autour de la tension des rapports de pouvoir au sein d'un couple et bientôt aussi au-delà. Matías Bize affectionne particulièrement la mise en scène qu'implique un plan-séquence puisqu'il utilisa ce procédé dès son premier long métrage Sábado, una película en tiempo real (2003) vingt ans plus tôt avec déjà Antonia Zegers dans l'un des rôles et qui trouve dans El Castigo un véritable défi d'actrice où elle offre une véritable performance enthousiasmante. Matías Bize retrouve ici Gabriel Díaz son chef opérateur fidèle et fétiche qui l'accompagne sur la plupart de ses films ainsi que ceux d'Ignacio Agüero.
Agrandissement : Illustration 1
Matías Bize est certainement le plus antonionien des cinéastes chiliens et le thème de la disparition mystérieuse d'un personnage qui lance l'intrigue autour des problématiques profondes d'un couple n'est pas sans rappeler L'Avventura (1960). En l'occurrence, le personnage absent et pourtant omniprésent par son absence est celui qui définit la fonction et la raison d'être de ce couple à la cohésion extrêmement fragile : leur jeune enfant. La perte de l'enfant est le traumatisme absolu des jeunes parents qui témoigne aussi de l'expression de désirs inavouables de l'inconscient comme en témoigne le conte du Petit Poucet où égarer ses enfants dans une forêt est tout à la fois une peur des enfants vis-à-vis du pouvoir des parents mais aussi un fantasme caché desdits parents.
Le conte est ici vécu émotionnellement à travers le regard des parents et plus particulièrement celui de la mère dont les problématiques se révèlent très vite plus intéressantes par leurs ambiguïtés que celles du père. D'ailleurs, face à la force fulgurante, toute en nuance et en intensité dramatique d'Antonia Zegers, Néstor Cantillana fait pâle figure et défend bien mal son personnage, auquel le scénario n'accorde pas non plus une grande attention. Comme chez Antonioni, l'enjeu de l'intrigue est la révélation d'une psychologie féminine qui va prendre plusieurs traits avant de se révéler complètement. Du début du film où elle tient le volant de la voiture et donc les rênes du cheminement du microcosme familial à la fin où un seul et court échange de regard avec un l'un des personnages-clés rappelle l'enjeu d'une lutte non achevée de rapport de pouvoir au sein d'une famille, où la femme est en lutte constante avec des personnes qui tentent incidemment de prendre sa vie personnelle en main, qu'il s'agisse de son époux, de sa mère au téléphone, de son fils absent, de la policière qui symbolise la puissance coercitive et potentiellement répressive du reste de la société à son égard.
Ledit plan-séquence embrasse avec force tous ces nœuds de l'intrigue et fait de chaque mouvement de caméra un montage sublimé au cœur du tournage dans une maîtrise parfaite où la force du théâtre à savoir en un temps donné jouer avec les imprévus pour mieux les intégrer à l'intrigue est parfaitement digérée par l'ensemble de l'équipe. Un film d'une puissance émotionnelle qui n'a pas finit d'interroger le public bien longtemps après la fin de la projection.
Agrandissement : Illustration 2
El Castigo
de Matías Bize
Fiction
86 minutes. Chili, Argentine, 2022.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Antonia Zegers (Ana), Néstor Cantillana (Mateo), Santiago Urbina (Lucas), Catalina Saavedra (la cheffe de la police), Yair Juri
Scénario : Matías Bize
Images : Gabriel Díaz
Montage : Rodrigo Saquel
Son Martín Grignaschi
1re assistante réalisatrice : María José De la Vega
Directeur artistique : Sebastian Olivari
Décors : Eugenio Ramírez
Production : Ceneca Producciones, Leyenda Films, Sudestada Cine
Producteurs exécutifs : Fernando Bascuñán, Rocío Gort, Sebastian Olivari, Ignacio Rey, Adrián Solar