Billet de blog 25 septembre 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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FBAL 2025 : "Aún es de noche en Caracas" de Marité Ugás et Mariana Rondón

Une jeune femme à Caracas qui vient d'assister aux funérailles de sa mère, se voit expropriée de son appartement par un groupe de femmes profitant des violentes répressions gouvernementales des manifestations citoyennes. Constamment menacée dans son intégrité physique, elle doit inventer une stratégie de survie pour quitter le pays.

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Aún es de noche en Caracas de Marité Ugás et Mariana Rondón © DR

Film de la compétition fiction de la 34e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2025 : Aún es de noche en Caracas de Marité Ugás et Mariana Rondón

Un an seulement après la présentation de la fable dystopique Zafari (2024) dans la même catégorie compétition fiction au Festival Biarritz Amérique Latine, Marité Ugás et Mariana Rondón proposent en complément thématique une nouvelle plongée dans la crise humanitaire vécue au Venezuela en raison des décisions gouvernementales extrêmement violentes pour réprimer les protestations sociales.

Les problématiques nourries par les deux cinéastes d'un film à l'autre, s'accompagnent ici de la lecture du livre La Fille de l'Espagnole (La hija de la española, 2019) de la journaliste et romancière vénézuélienne Karina Sainz Borgo pour en proposer une adaptation aussi personnelle que fidèle à l'esprit de la romancière où elles se sont pleinement retrouvées. Alors que Zafari empruntait les codes du film d'horreur, Aún es de noche en Caracas se situe pour sa part du côté du thriller avec une fois encore un enjeu de survie, dans un récit suivi à un rythme haletant au plus près de la protagoniste.

Une évocation semi onirique de l'enfance de l'héroïne permet au récit d'intégrer la situation sociale critique dans une temporalité plus large, avec une fin de l'innocence questionnée sans cesse à la manière de Cartes postales de Leningrad (Postales de Leningrado, 2007) réalisé par Mariana Rondón. Ainsi, le film analyse avec subtilité la manière dont la gestion politique du pays conduit de manière machiavélique à opposer les personnes entre elles, comme cette femme qui vient de chasser la protagoniste de son appartement et qui en d'autres temps aurait pu développer en tant que féministe ardente, une sororité.

En mêlant le récit du roman à la réalité d'images d'archives intégrées aux images du tournage, le film propose une hybridation du réel, où ce qui pourrait paraître une dystopie politique est pourtant bien une évocation de la répression qui s'est déroulée durant plusieurs mois en 2018 au Venezuela et qui se poursuit encore depuis au plus grand mépris du respect fondamental des Droits de l'Homme.

Le film est un témoignage rare qui prend la dimension forte d'une décharge physique et émotionnelle pour réveiller les consciences sur un drame humain à l'échelle de tout un pays encore en cours à ce jour. Toute la complexité vécue par la population vénézuélienne est traduite ici par l'héroïne contrainte à changer d'identité et en questionnant les racines de sa propre enfance où les symptômes d'une crise sociale profonde étaient déjà présents.

Aún es de noche en Caracas est ainsi un puissant et inoubliable hommage à toute une population luttant pour sa survie en quête d'une cohésion sociale retrouvée.

Aún es de noche en Caracas
de Marité Ugás et Mariana Rondón
Fiction
97 minutes. Mexique - Venezuela, 2025.
Couleur
Langue originale : espagnol

Avec : Natalia Reyes, Moisés Angola, Samantha Castillo, Edgar Ramírez, Sheila Monterola
Scénario : Marité Ugás et Mariana Rondón, d'après le roman La hija de la española de Karina Sainz Borgo
Images : Juan Pablo Ramírez
Montage : Soledad Salfate
Musique : Camilo Froideval
Son : Lena Esquenazi
Seconde assistante réalisatrice : Ana Sierra Llorente
Premier assistant réalisateur : Martín Torres
Costumes : Brenda Gómez
Décors : Ezra Buenrostro
Direction artistique : Isidora Salas
Effets visuels : Raúl Luna
Scripte : Valeria Gutierrez
Production : Stacy Perskie, Edgar Ramírez, Stephanie Correa, Jill Littman
Production associée : Camila Balzaretti, Michael Ullman
Production exécutive : Jorge Dorantes, Leopoldo Gout, Natalia Reyes, Karina Sainz Borgo

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