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Film de la compétition long métrage fiction de la 32e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2023 : El Viento que arrasa de Paula Hernández
Dans une Argentine rurale frontalière à une époque imprécise, le nouveau film de Paula Hernández (Los Sonámbulos, Un amor, Lluvia) se sert à nouveau de la tension psychologique propre au thriller pour cette fois se concentrer sur l'expression de l'amour filial entre un père et son enfant. Si au centre de l'intrigue se situe un révérend habité par sa foi évangéliste et sa fille qui le suit fidèlement sur sa route tout en cherchant un chemin plus personnel, un double antithétique apparaît sous les traits d'un père garagiste quasi ermite avec son fils laissé en marge de la société. L'antithèse se joue à différents niveaux et l'histoire se joue de l'opposition entre un père habité par la parole divine qui ne peut s'empêcher de séduire tel le serpent biblique par sa parole et son regard hypnotisant de nouveaux adeptes vers un horizon céleste, face à un père taiseux à la force terrienne enracinée dans une réalité où la religion ne peut avoir de place. Dans cette confrontation latente, les deux enfants ont en commun de chercher à larguer les amarres et expérimenter une vie plus indépendante des délires parentaux qui leur laissent peu de place d'expression.
Ainsi, le scénario est établi à partir d'oppositions fortes entre personnages singuliers où les acteurs et les actrices (minoritaires dans une trame de récit où la masculinité est dominante) s'immergent pleinement au cœur dans l'incarnation de leur rôle pour faire incidemment émerger les ressorts de l'intrigue, en étroite connexion avec un décor filmé en format Scope à l'instar d'un western où la tension se fait toujours plus croissante entre les personnages.
Le scénario est adapté d'un roman et à partir de cette trame, la cinéaste réalise une certaine épure dans la tradition du théâtre classique où tout se joue dans une unité de temps, d'action et de lieu. La tragédie peut ainsi naître et les personnages prennent dès lors une dimension mythique à travers ce qu'ils incarnent plutôt que leur spécificité individuelle. Ainsi, la temporalité floue du contexte du récit entre les années 1990 et une époque contemporaine du tournage, manifeste la volonté antinaturaliste de saisir une intrigue en dehors de son cadre exclusivement sociologique. Ainsi, la réalité du développement du mouvement évangélique, plutôt que phénomène de prise de pouvoir du conservatisme de droite, est appréhendée avant tout pour interroger l'amour paternel.
Alfredo Castro dans ce rôle se laisse littéralement possédé par la foi de son personnage et offre une peinture singulière inattendue, en dehors d'une classification manichéiste attendue quant à la menace potentielle qu'il représente. Sergi Lopez offre un contrechamp singulier tout en silence et une force corporelle impressionnante. Quant à Almudena González dans le rôle de l'adolescente, elle offre une composition subtile tout droit issue de la sion complexe de l'adolescence dans un film de Lucrecia Martel. De même, Paula Hernández se joue des codes américains et de la figure inquiétante du redneck qui est devenue une figure récurrente du cinéma d'horreur depuis Délivrance (Deliverance, 1972) de John Boorman. Si elle maintient la tension du thriller, la tragédie familiale qui se joue reste intimiste, au profit d'une peinture psychologique d'êtres esseulés en quête d'affection et d'identification à une communauté.
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El Viento que arrasa
de Paula Hernández
Fiction
94 minutes. Argentine, Uruguay, 2023.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Alfredo Castro (le révérend Pearson), Sergi López (Gringo), Almudena González (Leni), Joaquín Acebo (Tapioca)
Scénario : Leonel D'Agostino, Paula Hernández
Images : Iván Gierasinchuk
Montage : Rosario Suárez
Musique : Luciano Supervielle
Son : Catriel Vildosola
Casting : María Laura Berch
Décors : Gonzalo Delgado
Costumes : Mónica Toschi
Maquillage : Angela Garacija
1er assistant réalisateur : Rodrigo Gils
Seconde assistante réalisatrice : Florencia Álvarez Novas
Société de production : Cimarrón Cine Cinevinay Rizoma Films
Production : Natacha Cervi, Diego Robino, Sandino Saravia Vinay, Lilia Scenna
Producteurs exécutifs : Hernán Musaluppi, Santiago López Rodríguez