Billet de blog 27 mai 2016

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Cannes 2016 : « Aquarius » de Kleber Mendonça Filho

Film en compétition officielle au festival de Cannes 2016.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© DR

Sur la côte brésilienne de Recife, proie d'avides projets immobiliers, l'appartement de Clara est rempli de l'histoire émotionnelle de sa famille, ses enfants et maintenant de son petit-fils. Peu à peu, la pression monte de toute part pour la pousser à vendre.

Aux côtés de Tony Erdmann de Maren Ade et Rester vertical d’Alain Guiraudie, Aquarius de Kleber Mendonça Filho fait partie des plus enthousiasmantes et vivifiantes surprises de la compétition officielle du festival de Cannes 2016. Les apparences sont cependant bien trompeuses : il n'est pas si surprenant de voir affirmer le talent du récit visuel de ces cinéastes qui ont comme point commun d'avoir beaucoup œuvré avant d'être fraîchement découverts par les festivaliers cannois. Ainsi Kleber Mendonça Filho a eu l’occasion de s’illustrer avec ses courts métrages qui abordaient déjà l’inquiétante étrangeté du quotidien à Recife avant de l’illustrer puissamment dans son premier long métrage : Les Bruits de Recife. Il incarne bien avec Aquarius mis au devant de la scène par sa présence en compétition officielle à Cannes la nouvelle tendance du cinéma brésilien qui se régionalise : autrement dit, le spectateur, quelle que soit son origine, est invité à découvrir une géographie méconnue du Brésil et pour cause, les caméras ne s’y étant jusque-là guère trouvées. Ainsi Aquarius explore rien moins que l’âme d’un lieu, voire par capillarité de la ville toute entière qu’est Recife. C’est pourquoi aussi le récit original de Kleber Mendonça Filho s’inscrit dans une continuité historique : de la même façon que le personnage principal est la continuité d’une histoire vécue précédemment par sa propre tante, cette histoire semble s’entrecroiser avec beaucoup d’autres à Recife et encore par écho universellement. En effet, la quête acharnée de sens dans un monde virtuel où tout se vend et où l’espace de vie n’est qu’une plus value financière parmi d’autres, aboutissant à la bulle immobilière de ces dernières années, est un sujet extrêmement contemporain et que nul ne peut ignorer de par le monde. Le combat de Clara est alors vivifiant pour le spectateur car il incarne sur écran nos désirs plus ou moins conscients de lutter contre un monde oppressant face auquel on se sentirait démuni, impuissant. Pour cette raison, le film qui se situe à première vue du côté du portrait psychologique, devient extrêmement politique, en lien étroit avec les propositions esthétiques et politiques des cinéastes du Cinema Novo ! En effet, le cinéaste joue avec aisance des multiples métaphores entre le corps du personnage, l’immeuble lui-même où elle vit qui est confronté comme elle l’a été à un cancer et plus largement au corps social. Les pistes de lectures que propose Kleber Mendonça Filho sont multiples ce qui fait de son film une œuvre maîtrisée de bout en bout et de lui-même un grand nom du cinéma mondial à suivre avec beaucoup d’intérêt.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.