
Sortie nationale (France) du 29 avril 2015 : On est vivants, de Carmen Castillo
Lorsque disparaît Daniel Bensaïd, c’est toute une époque et une idée de l’engagement dans la société qui se retrouvent interrogées par la cinéaste Carmen Castillo. Issus de deux partis opposés de l’hémisphère, ils s’étaient tout à fait retrouvés dans leurs luttes politiques et leur engagement à construire avec d’autres un monde plus juste, plus humain. La mort d’un ami proche amène inévitablement à s’interroger sur ce que l’on a vécu avec lui et à constater à quel point ce qui a été construit ensemble est toujours vivant. Dès lors, ce qui commence comme un journal intime pour Carmen Castillo, à l’instar du récit développé dans son Calle Santa Fe, se poursuit sur une interrogation de ce qu’est l’engagement dans le monde contemporain. Comme si Daniel Bensaïd était le coscénariste de ce documentaire, Carmen Castillo part à la rencontre des mouvements sociaux qui avaient en leur temps attirés l’attention de celui-ci. Ses phrases toujours pertinentes viennent commenter les expériences de vies rencontrées. La démarche de Carmen Castillo consiste à recueillir les témoignages de ces modestes inconnus qui ont renversé à un moment donné la fatalité prétendument inébranlable du monde, celle d’une certaine idéologie économique. Ainsi, sa caméra filme le Mexique des Zapatistes, le Brésil des Paysans Sans Terres, la Bolivie à Cochabamba des luttes contre la privatisation de l’eau. La France n’est pas sans reste avec à Paris les témoignages des membres de l’association Droits au Logement (DAL) et du Nouveau Parti Anticapitaliste et à Marseille le Collectif « Quartiers Nord, Quartiers Forts ». Alors que Daniel Bensaïd avait perçu avec son cœur, son intelligence et sa plume la vitalité d’individus s’inventant et se réinventant dans leur engagement dans la lutte, Carmen Castillo poursuit cette démarche en utilisant sa caméra et sa manière qui n’appartient qu’à elle de faire des documentaires. Elle prend ainsi le pouls de la planète en nous montrant, au-delà des préjugés véhiculés par les médias dominants comme dans le cas des quartiers Nord de Marseille, qu’il y a une vie qui se met en place et que le sens du politique est toujours bien vivant, ayant déserté les urnes pour une démocratie plus directe et concrète : un engagement dans la vie même ! On n’est une fois de plus pas déçu de retrouver la vitalité et l’humanisme de Carmen Castillo, où l’intelligence n’a d’égal que le respect des personnes qu’elle filme. Elle signe ainsi à la fois un bel hommage à Daniel Bensaïd, ainsi qu’aux saines prises de conscience de par le monde de ces illustres inconnus qui ne peuvent cesser de croire à leur responsabilité à l’égard du monde dans lequel ils vivent. Ainsi arrive cette phrase enthousiasmante capable de déplacer des montagnes d’adversité : « ce n’est pas parce que c’est légal, que c’est légitime ». Ainsi, les squats de logements à Paris, s’ils ne sont pas légaux, sont tout à fait légitimes compte tenu du besoin de très nombreuses personnes à trouver un foyer, alors que des logements vacants ne servent qu’à la spéculation. Ce documentaire ne prétend toutefois pas être exhaustif sur son sujet : il est entièrement subjectif et donc assumé comme tel par son auteur. Avec humilité, sincérité et une intelligence aiguë saisissant la société actuelle télé qu’elle est, Carmen Castillo partage la vitalité de son implication dans la société.

On est vivants
de Carmen Castillo
Documentaire
100 minutes. France - Belgique, 2015.
Couleur
Langues originales : portugais, espagnol, français
Scénario : Carmen Castillo
Images : Ned Burgess
Montage : Eva Fegeiles-Aimé
Musique : Jacques Davidovici
Son : Jean-Jacques Quinet
Mixage : Jean-Jacques Quinet
Production : Les Films d’Ici, Iota Productions
Producteur : Serge Lalou
Coproductrice : Isabelle Truc
Producteur exécutif : Mathieu Cabanes
Direction de production : Mathieu Cabanes
Distributeur (France) : Happiness Distribution