Billet de blog 29 septembre 2022

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

FBAL 2022 : "Tengo sueños eléctricos" de Valentina Maurel

Alors que ses parents viennent de se séparer, Eva prend ses distances avec sa mère et souhaite habiter chez son père, alors que celui-ci se comporte comme un grand adolescent qui se laisse déborder par la violence qui le traverse.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Film de la compétition long métrage fiction de la 31e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2022 : Tengo sueños eléctricos de Valentina Maurel

Auréolé de trois prix lors de sa présentation au festival de Locarno (Prix de la mise en scène, Prix des meilleurs interprétations féminine et masculine respectivement pour Daniela Marín Navarro et Reinaldo Amien Gutiérrez), suivi du Prix Horizontes latinos au festival de San Sebastián), Tengo sueños eléctricos de Valentina Maurel ne laisse pas insensible partout où il est présenté, offrant une audacieuse exploration psychologique d'une relation entre une fille et son père avec la force d'une mise en scène qui ne laisse rien au hasard.

Illustration 1
"Tengo sueños eléctricos" de Valentina Maurel © Geko Films

Tout commence par la séparation d'un couple dont la décision reste hors champs mais dont les conséquences surgissent immédiatement à l'écran avec un père qui fait exploser sa colère qui le laisse sans voix sur le seuil de ce qui faisait jusqu'ici le foyer familial. Marqué par cette violence symbolique autant que par le symptôme extérieur d'une autodestruction, la maison familiale reprise en main par la mère devient un enjeu très fort dans la construction de chacun.e où la rénovation s'affirme comme un besoin d'écrire une nouvelle vie pour la mère, ce qui n'est pas du goût de la fille aînée, sensible à l'exclusion de son quotidien de son propre père.

Quelle place trouver dès lors auprès de cette figure paternelle lorsque celle-ci n'est pas disponible pour accueillir concrètement sa fille alors qu'il passe lui-même dans un élan de régression à l'âge adolescent pour réunir les pièces éparpillées du puzzle de sa vie, comme les vers d'un poème non encore écrit ?

Valentina Maurel pose un point de vue singulier construit sur une fascinante perspicacité à saisir les problématiques de constructions interdépendantes au cœur d'une famille. Le point de vue directeur est celui d'une adolescente poussée à endosser trop vite des responsabilités qui dépassent son âge au moment où son père est en pleine crise existentielle et où la spontanéité de l'expression de sa tendresse pour sa fille est sans cesse parasitée par une ambiance électrique qui le dépasse.

Ce drame intimiste met en scène une chronique adolescente et met dès lors par la même occasion en lumière les problématiques au cœur de San José, la capitale faussement paisible du Costa Rica, où chaque grille de maisons individuelles recèlent des espaces en souffrance, dans des rapports où masculin et féminin étouffent à ne pas pouvoir exprimer leur propre sensibilité. Car le parcours des protagonistes d'une maison à l'autre est aussi l'occasion de cheminer dans la ville filmée comme un paysage humain que révèle la caméra du génial chef opérateur Nicolás Wong Díaz toujours sensible au surgissement des histoires enfouies derrière une façade fragile.

La poésie et la littérature deviennent dès lors des sources d'inspiration pour que les êtres se révèlent à eux-mêmes et Valentina Maurel par ses choix de mise en scène démontre merveilleusement que réaliser un film c'est aussi prendre conscience des histoires qui nous traversent.

Tengo sueños eléctricos
de Valentina Maurel
Fiction
101 minutes. Belgique, France, Costa Rica, 2022.
Couleur
Langue originale : espagnol

Avec : Daniela Marín Navarro, Reinaldo Amien Gutiérrez, Vivian Rodríguez, José Pablo Segreda Johanning
Scénario : Valentina Maurel
Images : Nicolás Wong Díaz
Montage : Bertrand Conard
Son : Erick Arnoldo Vargas Ortega
Design sonore : Corinne Dubien
Production : Wrong Men, Geko Films
Coproduction : Tres Tigres Films
Producteurs : Grégoire Debailly, Benoît Roland
Producteur associé : Felipe Cordero

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.