Billet de blog 29 septembre 2023

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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FBAL 2023 : "El Castillo" de Martín Benchimol

Une femme d'origine modeste vit seule avec sa fille dans un château où elle travailla toute sa vie et dont la propriétaire avant de mourir lui en concéda l'héritage avec la condition de ne jamais le vendre.

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Illustration 1
El Castillo de Martín Benchimol © Gema Films

Film présenté en séance spéciale de la 32e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2023 : El Castillo de Martín Benchimol

Dans un contexte social inédit, le réalisateur Martín Benchimol suit une mère et sa fille dans la réalité documentaire de leur quotidien tout en laissant la caméra de tournage en retrait pour interférer le moins possible avec elles. Le film se construit comme une narration tout droit issue de la fiction classique, notamment autour d'un montage qui fait se répondre les réalités distinctes des deux protagonistes au même moment. L'enjeu consiste ainsi de faire émerger la fiction au cœur de ses deux personnages dans leur vie réelle, avec une mère bien encombrée par ce lourd héritage tout en souhaitant honorer sa parole donnée à la propriétaire défunte dans une cage dorée qui l'isole aussi du reste du monde tandis que sa fille extrêmement dynamique qui ne manque pas d'initiative est partagée entre son implication à faire vivre le lieu enfermé sur lui-même et ses propres horizons qui la conduisent vers la ville.

Avec une distance filmique qui offre une pleine liberté aux protagonistes d'être elles-mêmes, Martín Benchimol se nourrit notamment de la force de la mise en scène expérimentée avec talent par la cinéaste Maite Alberdi avec un dispositif de prise de vue particulièrement soigné. Il en résulte un magnifique portrait de deux femmes dans le cadre de cette maison qui les écrase. Ce décor symbolise le poids de l'héritage historique d'une classe sociale privilégiée construit avec des intentions et des valeurs qui ne sont pas celles d'une classe sociale plus humble. Si un gouvernement de gauche sensé incarner et défendre les valeurs de ses plus humbles concitoyens et concitoyennes comme les plus nanti.es, sans distinction de traitement ni de préjugés, s'acclimate très bien de l'architecture princière et du décorum de l'élite économique dans l'exercice de son pouvoir, cette logique sournoise ne fonctionne plus lorsque des personnes cultivent la dignité non prétentieuse d'être elles-mêmes. Telle est la dynamique interne au récit porté par ce film dont le dialogue métaphorique avec le sens politique s'éclaire certes à l'horizon mais ne tombe pas nécessairement comme une évidence dans les séquences choisies.

Il en résulte un film nourri d'une belle humanité autour d'une situation inédite filmée avec un grand soin dans une logique de nourrir une grammaire cinématographique mais manque de perspectives dans ce qu'il pouvait effectivement questionné de la réalité sociale contemporaine. En d'autres termes, le film pose un cadre propre à des questions pertinentes, cultive la bienveillance humaniste dans les portraits réalisés d'une mère et de sa fille dans une relation complice croquée avec subtilité et modestie, sans intention d'élargir hélas le sens du symbole fort posé par ledit castillo.

Illustration 2

El Castillo
de Martín Benchimol
Documentaire
77 minutes. Argentine, 2023.
Couleur
Langue originale : espagnol

Avec : Alexa Olivo, Justina Olivo
Scénario : Martín Benchimol
Images : Nico Miranda, Fernando Lorenzale
Montage : Ana Remón
Design sonore : Sofía Straface
Production : Gema Juárez Allen (Gema Films), Julie Paratian (Sister Productions), Mayra Bottero, Heidi Fleisher

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