FBAL 2023 : "Trigal" d'Anabel Caso

Film de la compétition long métrage fiction de la 32e édition du Festival Biarritz Amérique Latine 2023 : Trigal d'Anabel Caso

Pour son premier long métrage de fiction, Anabel Caso se concentre sur un scénario original développé sur des références autobiographiques de son adolescence. Il en découle une attention toute particulière accordée à la sensibilité accrue pour cette période intermédiaire entre la prétendue innocence de l'enfance et l'âge adulte où les rapports entre hommes et femmes se jouent selon des codes plus ou moins consentis, surtout dans une société où règne le patriarcat sans condition. Ainsi, la jeune Sofia entourée de femmes (entre sa mère célibataire, ses cousines et sa tante) est fascinée par le monde lointain des hommes qu'elle observe avec curiosité au moment où son corps et ses désirs changent et s'affirment. Le monde des hommes et des femmes est ici bien séparé et leur rencontre en est d'autant plus tendue, indexée à la sexualité. En dehors de cette attraction, il n'y a pas de désir de dialogue comme en atteste les liens extrêmement distants entre la tante et son époux.

De la même manière que le champ de blé (trigal en espagnol) du titre représente au Mexique une culture coloniale par excellence alors que le maïs est davantage l'alimentation traditionnelle, le monde des hommes devient une menace de prédation. L'homme constitue une attirance dangereuse puisque ces derniers sont dans le film peu enclins à la bienveillance et à la culture du consentement dans l'expression du désir de l'autre. Il se trouve que l'homme convoité par les deux adolescentes travaille pour une grande entreprise agricole dont les champs de blés semblent avoir colonisé la majorité du territoire environnant, avec une appropriation des terres marquées par une clôture barbelée. Ainsi, la chronique initiatique des adolescentes se double d'une métaphore de la prédation masculine à la culture dominée par l'influence des USA en tant qu'attitude conquérante et dominatrice du territoire. Il en résulte ainsi en seconde lecture, une approche écoféministe remettant en cause ce patriarcat qui conduit aussi au Mexique au féminicide.

S'il s'agit là d'une lecture sociologique de dénonciation accessible à travers les choix de mise en scène marquant de la part de la cinéaste, le cœur du film est avant tout cette description sensible de l'adolescence féminine où le danger n'est jamais loin. L'ambiguïté des attitudes des adolescentes dont le film partage pour l'essentiel le regard, notamment celui de Sofia, retient toute l'attention de la réalisatrice qui a bien assimilé les leçons de mise en scène de La Niña santa (2004) de Lucrecia Martel. Cependant, Anabel Caso s'intéresse davantage à la description anxiogène d'un patriarcat reposant sur différentes hypocrisies, à commencer par la relation adultère et l'impossibilité de dialogue entre hommes et femmes sur un même pied d'égalité. Parfois un peu long avec des scènes qui ne sont pas indispensables, le film défend un regard qui part de l'intime pour dénoncer avec perspicacité une société étouffante et peu encline à l'épanouissement féminin.

Trigal
d'Anabel Caso
Fiction
115 minutes. Mexique, 2022.
Couleur
Langue originale : espagnol

Avec : Emilia Berjon (Sofia), Abril Michel (Cristina), Alberto Guerra (J. C.), Nicolasa Ortíz Monasterio (Silvia), Úrsula Pruneda (Susi), Gerardo Trejoluna (Francisco), Guillermo Villegas (Raíl), Patricia Ortíz (Carmen)
Scénario : Anabel Caso
Images : Julio Llorente
Musique : Camilo Froideval
Mixage sonore : Lena Esquenazi
1re assistante réalisatrice : Mykaela Plotkin
Réalisateur seconde équipe : Daniel González Torreón
Direction artistique : Luisa Guala
Décors : Luisa Guala
Maquillage : Nury Alamo
Casting : Viridiana Olvera
Sociétés de production : Home Films
Production : Paula Astorga Riestra, Alfredo Garza Wollenstein, Lorena Orraca Martínez