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Après une première présentation au festival international de Rotterdam en 2015, La Mujer de los perros s’est retrouvé un an plus tard en compétition officielle ppour la 38e édition du Festival de Films de Femmes de Créteil en mars 2016. Laura Citarella après Ostende, son premier long métrage, replace au centre de son attention et de sa mise en scène un personnage féminin qui prend une ampleur sans précédent. La démarche est logique entre les deux films : de la femme qui s’interroge sur son milieu, on en vient à s’intéresser dans ce nouveau film à une femme qui a refusé à la fois la parole et de s’inscrire dans la société humaine. Pour toute communauté quotidienne, elle se retrouve en permanence avec ses dix chiens qui forment avec elle une harmonieuse communauté : les uns et les autres semblent se mouvoir en un groupe cohérent en milieu naturel, formant une seule et même ombre. À cet égard, le titre déplie tout son sens : une femme mystérieuse que l’on peut définir par son lien à ses chiens, sans pour autant que l’on puisse définir qui appartient à qui : l’idéologie de la propriété de l’autre, qu’il s’agisse d’un animal domestique ou d’un habitat. En marge de la société, cette femme questionne le sens de ladite société, qu’elle observe muette de loin. Laura Citarella par sa mise en scène, s’éloigne de tout réalisme en ne s’arrêtant pas aux gestes quotidiens qui seraient dès lors explicatifs de son mode de vie. Le film refuse de prime abord tout esthétique documentaire, Laura Citarella préférant rendre compte avant tout d’une présence qui transfigure son personnage principal. Ainsi, le personnage éponyme joué par Verónica Llinás, coréalisatrice et coscénariste du film, devient peu à peu un être de la forêt voire une incarnation de l’esprit de la forêt. Ceci est rendu possible à travers une subtile composition de l’image qui sait traduire avec la même sensibilité le personnage humain aussi bien que les paysages naturels dans lesquels il finit par se fondre. Au fil du récit vont apparaître des relations interindividuelles humaines, mais là encore la présence de la protagoniste reste fantomatique. « La femme aux chiens » est avant tout le maître, non pas d’un monde animal avec lequel elle développe bien davantage des liens horizontaux, mais plutôt maîtresse de son propre destin, malgré tous les préjugés que pourraient développer le regard issu de l’extérieur sur son monde. Laura Citarella et Verónica Llinás, les auteurs de ce film, réussissent à manifester une disparition : reste au spectateur à interpréter celle-ci puisqu’il ne s’agit plus tout à fait de la disparition d’une femme comme dans L’Avventura d’Antonioni qui fondait alors le prétexte à un nouveau rapport au récit. La Mujer de los perros laisse longtemps coi, à l’instar d’une nature insaisissable à la raison et qui en est d’autant plus fascinante.

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La Mujer de los perros
de Laura Citarella, Verónica Llinás
Fiction
98 minutes. Argentine, 2015.
Couleur
Langue originale : espagnol
avec : Verónica Llinás, Juliana Muras, Germán De Silva, Juana Zalazar
scénario : Verónica Llinás, Mariano Llinás
images : Soledad Rodriguez
son : Marcos Canosa
décor : Flora Caligiuri, Laura Caligiuri
montage : Ignacio Masllorens
musique : Juana Molina
costumes : Carolina Sosa Loyola
Production : El Pampero Cine