Billet de blog 5 novembre 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Sarlat 2025 : "Romería" de Carla Simón

En 2004, Marina, orpheline, pour obtenir une bourse afin de financer ses études de cinéma, a besoin de son acte de naissance. Pour cela, elle retrouve les membres de la famille de son père défunt et interroge peu à peu le contexte de sa mort resté tabou.

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Illustration 1
Romería de Carla Simón © Ad Vitam

Film de la section "Tour du monde" de la 34e édition du Festival du Film de Sarlat du 4 au 8 novembre 2025 : Romería de Carla Simón

L’exploration de la mémoire autobiographique familiale est au cœur névralgique du cinéma de Carla Simón comme en témoigne son troisième long métrage après Été 93 (Estiu 93, 2017) et Nos soleils (Alcarràs, 2022) mais aussi sa sublime correspondance cinématographique avec une autre cinéaste dans Correspondancia (2019) un film de Carla Simón et Dominga Sotomayor. Il s’agit pour elle de confronter par l’interrogation que permettent les images du cinéma, une mémoire dont elle ne dispose pas en tant qu’orpheline, avec des parents qu’elle n’a pas connus puisqu’ils sont décédés alors qu’elle tait très jeune. Sans être totalement autobiographique, la cinéaste utilise la fiction pour créer autant de ponts avec une mémoire familiale cachée ainsi que de celle de tout un pays, où la terrible mortalité dans les années 1980 en Espagne liée au SIDA prend son origine dans l’explosion de l’usage de l’héroïne.

La mémoire soLlicitée émerge ici à travers des images, des phrases issues d’un journal intime de la mère défunte ainsi que des différentes pièces du puzzle apportées par les différents membres de la famille du portrait passé mais qui jamais ne s’emboîtent entre elles. Le point de vue emprunte pleinement celui d’une jeune fille qui avait l’âge de la cinéaste en 2004 et qui est donc de manière explicite son alter ego à l’image. Fine observatrice, celle-ci découvre l’un après l’autre ses oncles, tantes, cousins, cousines pour arriver au grand-père et à la grand-mère qui portent encore une lourde responsabilité dans les dernières années de vie de son père défunt.

Carla Simón quitte le milieu rural de ses précédents films pour s’inscrire dans d’autres espaces urbains de Galice marqués par les fantômes du passé où l’onirisme peut finalement émerger pour laisser apparaître toute une époque reconstituée par l’influence cinématographique à la fois de More (1969) de Barbet Schroeder et Zabriskie Point (1970) de Michelangelo Antonioni. La mémoire propre du cinéma devient ainsi pour la cinéaste l’outil indispensable pour reconstituer et recréer un passé familial qui lui fait défaut. La jeune protagoniste avance doucement en fine observatrice sans confrontation directe avec les membres de sa famille paternelle dont elle découvre peu à peu les contradictions et les mensonges, avant de s’affirmer dans la dernière partie avec la force de son intégrité et la naissance du regard d’une cinéaste que va alors devenir la future étudiante.

Ce voyage dans la mémoire interdite de tout un pays qui était en voie de reconstruction démocratique après des décennies de dictature se construit sur une perception unique propre à Carla Simón, soucieuse d’une construction chorale du récit pour révéler le passé inaccessible par la force de la subjectivité.

Romería
de Carla Simón
Fiction
114 minutes. Espagne, Allemagne, 2025.
Couleur
Langues originales : catalan, castillan, galicien, français

Avec : Llúcia Garcia (Marina), Mitch (Nuno), Tristán Ulloa (Lois), Janet Novás (Xulia), Celine Tyll (Denise), Miryam Gallego (Olalla), Sara Casasnovas (Virxinia), Alberto Gracia (Iago), José Ángel Egido (le grand-père), León Romagosa (Basilio), Hans Romagosa (Eugene), Marina Troncoso (la grand-mère de Marina), Toño Casais (Ramón), Lia Mora (Carlota), Helena González (Sabela), Gala Rodríguez (Antía), Antón Lemos (Quique), Laura Nuñez (Uxía), Alberto Gracia (Iago), Nerea Martínez, Gabriela Rodríguez, Janet Novás, Pilar Viqueira, Clara Soliño, Noa Fentanes, Paula Delgado, Marisa González, Lidia Veiga, Neves Rodríguez, Pepe Beato, Marga Dacuña, Estela González, Jairo Mantilla, Chelo Lamela, Mabel Fernandez, Marta Díaz del Río Jaudenes, Susana Del Rio Jaudenes, Jose Luis Nuñez, Fernando Baliño, Javier Puig del Campo, David Saraiva, Sergio Quintana, Francisco Pombo, Elena Gamallo
Scénario : Carla Simón
Images : Hélène Louvart
Montage : Sergio Jiménez, Ana Pfaff
Musique : Ernest Pipó
Son : Eva Valiño
1re assistante réalisatrice : Daniela Forn
2nde assistante réalisatrice : Anna Rua
3e assistante réalisatrice : Sara Maneiro Santamaría
Direction artistique : Mónica Bernuy
Décors : Mónica Bernuy
Maquillage : Patricia López
Coiffure : Paco Rodríguez H.
Costumes : Anna Aguilà
Casting : María Rodrigo, Irene Roqué
Production : María Zamora, Olimpia Pont Chàfer
Coproduction : Àngels Masclans
Société de production : Elastica Films (Espagne)
SociétéS de coproduction/ Ventall Cinema (Allemagne), Dos Soles Media (Espagne), Romería Vigo, A.I.E (Espagne), ZDF Arte (Allemagne)
Distributeur (France) : Ad Vitam

Sortie salles (France) : 8 avril 2026

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