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Film présenté en avant-première de la sélection de la 24e édition d'Arras Film Festival 2023 : La Nouvelle femme de Léa Todorov
Poursuivant l'exploration des problématiques brillamment posées dans le film documentaire Révolution école 1918-1939 de Joanna Grudzińska dont Léa Todorov fut la coscénariste, La Nouvelle femme se concentre sur les années d'expérimentation éducative de Maria Montessori au début du XXe siècle auprès d'enfants neuro-atypiques avant l'application plus large de ses méthodes dans les décennies suivantes. Léa Todorov évite le piège du biopic en créant aux côtés de la figure historique de Maria Montessori un personnage de fiction en apparence antagonique qui va lui permettre de se confronter à ses propres problématiques. Dès lors, la naissance de ladite nouvelle femme du titre s'inscrit à plusieurs égards dans une réalité sociohistorique où le combat des féministes pour faire entendre leurs voix était encore marginal dans un monde régi par des hommes dont les égos allaient les engouffrer dans une première guerre mondiale la plus meurtrière jusque-là.
Avec une grande perspicacité, Léa Todorov tisse une intrigue dont les fils prennent les couleurs de différentes problématiques pour mieux questionner les enjeux sociétaux proposés par les méthodes révolutionnaires d'éducation et d'intégration sociale de l'enfant qui n'est dès lors plus considéré comme une machine à obéir. Car c'est de la marge de la société qu'émergent ces expérimentations éducatives dont les bénéfices seront mises à la disposition de l'ensemble de la société. Au lieu de produire de l'identique monochrome, inodore et uniforme, Maria Montessori propose de prendre en considération la sensibilité de chacun pour accepter l'altérité en tant que telle : voilà bien un message fondateur précieux issu des réflexions anthropologiques personnelles de la bien nommée Léa Todorov qui continuent à irriguer la pensée contemporaine et qui permet ici de repenser la singularité du mouvement féministe. Comme il en est question dans une scène du film, il ne s'agit plus de répéter la voix patrimoniale des grands maîtres à l'instar du professeur Itard qui convoque aussi cinématographiquement ici L'Enfant sauvage (1970) de François Truffaut, mais d'assumer la singularité féminine d'une nouvelle voix d'apprentissage où la femme est notamment remise en valeur dans son rôle déterminant de sociabilisation et d'accueil bien heureux d'un petit être au monde.
L'approche cinématographique de Léa Todorov se nourrit également du cinéma de Fernand Deligny (Le Moindre geste, 1971) par son travail de mise en scène avec des enfants neuro-atypiques dans une démarche là aussi inclusive de légitimité de leurs interprétations. C'est ainsi que l'interprétation de Rafaelle Sonneville-Caby dans le rôle de Tina épouse parfaitement l'approche éducative de Maria Montessori.
Pour son premier long métrage de fiction, Léa Todorov réussit à dépasser le brillant défi de la mise en scène du film en costumes puisque ceux-ci n'étouffent jamais la force singulière de son récit : bien au contraire, décors et costumes sont au service d'une intrigue qui sollicite en permanence des questions contemporaines tout en enracinant pleinement son récit dans une connaissance historique méticuleuse. Quant à Leïla Bekhti et Jasmine Trinca, les actrices incarnent deux facettes de l'émancipation féminine se jouant des stratégies propres à leurs conditions sociales respectives pour cheminer clandestinement mais avec une dignité charismatique dans le patriarcat. Une belle déclaration d'amour et d'empathie avec ce film et leurs personnages pour encourager la démocratisation des nouvelles méthodes éducatives nées il y a plus d'un siècle.
La Nouvelle femme
de Léa Todorov
Fiction
99 minutes. France, Italie, 2023.
Couleur
Langues originales : français, italien
Avec : Leïla Bekhti (Lili D’Alengy), Jasmine Trinca (Maria Montessori), Rafaelle Sonneville-Caby (Tina), Raffaele Esposito (Giuseppe), Laura Borelli (Carlotta), Nancy Huston (Betsy), Agathe Bonitzer (Clarisse), Sébastien Pouderoux (Jean), Pietro Ragusa (le prince), Raffaella Ducrey Giordano (Anna), Georgia Ives (Giorgia), Stefano Abbati (le professeur Lombroso), Gianfranco Poddighe (Baccelli), Renato Sarti (Alessandro Montessori), Patrizia La Fonte (Renilde Montessori), Daniela Macaluso (Sarta), Roberto Zibetti (le journaliste), Irina Valvilova (la femme russe chez Betsy), Luciana Castelluci (madame Montesano)
Scénario : Léa Todorov
Montage son : Charlotte Butrak, Alexis Meynet
Bruiteur : Nicolas Fioraso
Mixeur : Samuel Aïchoun
Images : Sébastien Goepfert
Montage : Esther Lowe
1er assistant réalisateur : Justinien Schricke
Chorégraphie : Georgia Ives
Casting : Sandie Galan Perez, Stefania Valestro, Marco Matteo Donat-Cattin, Alessandra Maccotta
Chef opérateur son : Cédric Berger
Direction de production : Lucie Bouilleret, Nicoletta Maggi, Roberto Andreucci
Régisseuse Générale Marie Boitard
Décors : Pascale Consigny
Costumes : Agnès Noden
Scripte : Julie Dupeux-Harle
Société de production : Geko Films
Société de coproduction : Tempesta
Production : Grégoire Debailly, Carlo Cresto-Dina, Valeria Jamonte, Ilaria Malagutti, Manuela Melissano
Distributeur (France) : Ad Vitam
Sortie salles (France) : 13 mars 2024