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Sortie du combo Blu-ray + DVD : Une femme est passée de Juan Antonio Bardem
Cinéaste confronté à la dictature franquiste et mis à mal par la critique française, notamment par un certain François Truffaut, Juan Antonio Bardem n'a pas toujours eu l'opportunité de révéler l'ampleur de sa filmographie et le travail fécond de redécouverte de l'histoire du cinéma de Tamasa a déjà permis de remettre en valeur Mort d'un cycliste (Muerte de un ciclista, 1955) ainsi que ses collaborations avec Luis García Berlanga sur Bienvenue Mr Marshall (Bienvenido Mr. Marshall, 1953).
Une femme est passée (Nunca pasa nada, 1963) est une coproduction entre l'Espagne et la France, qui apparaît ici avec les interprétations de Corinne Marchand en artiste émancipée et Jean-Pierre Cassel en professeur espagnol de français (moins convaincant au doublage). Il souffle ici un esprit de Nouvelle Vague française sur le film avec en plus de la bande originale de Georges Delerue, la présence de Corinne Marchand qui semble apporter sa persona iconique fraîchement acquise sur Cléo de 5 à 7 (1962) d'Agnès Varda, le côté dramatique explicite en moins. Dans une communauté espagnole au nom fictif qui pourrait bien représenter la société franquiste dans son ensemble, où il ne se passe jamais rien comme le titre original du film l'indique, l'arrivée d'une française qui plus est artiste danseuse, réveille tous les fantasmes sexuels auprès d'une communauté d'hommes frustrés et la jalousie chez les femmes. Le personnage est un déclencheur de fiction révélant l'état d'une société espagnole anesthésiée par le régime franquiste allié au conservatisme catholique. Dans ce contexte, la population souffre des rumeurs émanant et entraînant à la fois le contrôle et la suspicion des un.es sur les autres. Il en découle une sensation de claustrophobie pour les personnages alors que tous les corps de la société sont représentés à l'exception du pouvoir politique et religieux, censure franquiste oblige, probablement.
Les quatre personnages sont mis en correspondance dans un dialogue explicite, l'artiste française étant d'autant plus blonde, solaire, associée à la lumière et un corps libéré que l'épouse du docteur est brune, associée à la nuit, contrainte à ne pas pouvoir vivre sa passion artistique en tant que femme au foyer, tandis que le docteur âgé, machiste et frustré répond à la jeunesse du professeur de français plus enclin à l'ouverture face à l'étroitesse des mœurs conservatrices. Autour du mouvement et des dialogues entre ces personnages se dessine un regard sur les contradictions de la société espagnole étouffant dans un contexte liberticide.
En bonus, Bernard Payen vient apporter ses fines analyses pour mettre en situation l'importance des choix de mise en scène du cinéaste au service du portrait de la société espagnole du début des années 1960.

Une femme est passée
Nunca pasa nada
de Juan Antonio Bardem
Avec : Corinne Marchand (Jacqueline), Antonio Casas (Enrique), Jean-Pierre Cassel (Juan), Julia Gutiérrez Caba (Julia), Alfonso Godá (Pepe), José Franco (Don Jerónimo), Rafael Bardem (Don Marcelino), Matilde Muñoz Sampedro (Doña Obdulia), María Luisa Ponte (l'amie de Julia), Tota Alba (la sœur infirmière)
Espagne, France – 1963.
Durée : 95 min
Sortie en salles (France) : 29 novembre 1963
Sortie France du combo Blu-ray + DVD : 30 septembre 2025
Format : 2,35 – Couleur
Langues : français, espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Tamasa Distribution
Bonus :
« Une Étrangère dans la ville » par Bernard Payen (37’)
Bande-annonce