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Film de la compétition long métrage documentaire de la 45e édition de Cinemed, festival du cinéma méditerranéen de Montpellier du 20 au 28 octobre 2023 : Bye Bye Tibériade de Lina Soualem
Après son enthousiasmant portrait de la famille paternelle dans Leur Algérie (2020) qui, en partant de l'histoire familiale intime, retranscrivait le récit invisible des déracinés de la terre que les discours officiels méprisent encore, Lina Soualem se concentre cette fois-ci sur la branche familiale de sa mère Hiam Abbass née en Palestine. Il ne s'agit pas pour autant d'un portrait de l'actrice, la mère de Lina Soualem délaissant ses rôles de fiction qui l'habitent pour s'intégrer spontanément dans un espace familial au féminin, comme une force sororale face au rouleau compresseur du patriarcat ambiant.
La ligne directrice proposée par la réalisatrice est annoncée en préambule du film avec cette séquence où la mère et la fille recomposent ensemble l'arbre généalogique à partir des photographies qui ont traversé le temps, évoquant une époque et des lieux arrachés aux personnes qui les ont habitées. Ainsi, le film est une célébration de la force de la famille à protéger ses membres du chaos du monde pour créer un espace qui traverse le temps au-delà du colonialisme rampant. La réalisation se conjugue autant avec la convocation de témoignages au présent des femmes de la famille sur plusieurs générations que les images retrouvées à partir des vidéos familiales enregistrées par le père de Lina Soualem, Zinedine Soualem, que les films tournés sur les territoires palestiniens au cours du XXe siècle dispersés à travers le monde. C'est à ce titre que ces films qui n'appartiennent pas à des archives nationales sont autant de preuves d'une histoire de la Palestine.
Lina Soualem fait ainsi figure d'archéologue patiente, déterminée et particulièrement attentive où l'intimité des histoires familiales devient une fascinante caisse de résonance politique pour rendre visible l'invisible et recréer une géographie humaine en cohérence directe avec les populations locales. L'imaginaire ainsi convoqué est accompagné de la composition musicale originale d'Amine Bouhafa qui dialogue avec les images pour mieux en cristalliser les émotions intrinsèques. Humour et larmes se confondent dès lors dans ce récit où la survie se cache avec pudeur dans des histoires de vie. Les femmes sont alors les gardiennes de la mémoire d'un lieu d'enracinement familial dans des espaces où les frontières sont enfin transcendées.
Cette rencontre avec un passé particulièrement traumatique pour plusieurs familles palestiniennes prend sa source dans la force de l'imaginaire que Lina Soualem trouve dans les poèmes que sa mère Hiam Abbass a écrit quand elle était enfant. Ainsi, dans une fascinante lignée féminine, se révèle la vitalité d'une transmission qui s'inscrit dans une quête naturelle de dignité et de légitimité dans le monde.
Bye Bye Tibériade
de Lina Soualem
Documentaire
82 minutes. Territoires palestiniens occupés, Belgique, Qatar, France, 2023.
Couleur
Langues originales : arabe, français
Avec : Hiam Abbass
Scénario : Lina Soualem, Nadine Naous, avec la collaboration de Gladys Joujou
Images : Thomas Brémond, Frida Marzouk, Lina Soualem
Montage : Gladys Joujou
Musique : Amine Bouhafa
Son : Benoît Biral, Julie Tribout
Sociétés de production : Beall Productions, Altitude 100 Production, Philistine Films
Production : Jean-Marie Nizan
Coproduction : Ossama Bawardi, Guillaume Malandrin
Distributeur (France) : JHR Films
Sortie salles (France) : 24 avril 2024