La 16e Conférence de l'organisation des Nations Unies sur les changements climatiques s'est ouverte lundi matin, à Cancun, au Mexique. Au Moon Palace, depuis deux jours, le ton est volontaire et pragmatique. La présidente de la COP 16, Patricia Espinosa, Ministre des Affaires étrangères du Mexique, a présenté Cancun comme une «opportunité de progresser et de passer des discours aux actes».
Les changements climatiques imposent une réponse collective, de nouvelles solidarités pour soutenir les pays les plus vulnérables, une responsabilisation des Etats. Ces principes restent à affirmer au sein de la diplomatie internationale. Le Sommet de Cancun pemrettra-t-il de progresser dans cette voie?
Les sujets en discussion
Cancun doit permettre de prendre des décisions significatives pour l'action collective, concernant tant le financement des actions dans les pays en développement que la lutte contre la déforestation, l'adaptation aux effet du changements climatiques notamment pour les pays les plus vulnérables ou encore les transferts de technologie. Ces sujets sont « mûrs », les textes de négociations sont le résultat d'un travail soutenu mené au cours de l'année 2010. L'envie est là, mais les crispations sont visibles et il faudra les dépasser, pour trouver notamment des compromis sur les deux questions clés :
- La répartition des efforts : les engagements des pays du Nord et les mesures à prendre par les Pays du Sud pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d'une part, et le suivi de la mise en œuvre des politiques et actions. Sur ce dernier point, on touche un point dur de la négociation : le système de mesure/ rapport /vérification des engagements (dit dans le jargon onusien « MRV »). Au de là de se fixer des objectifs, le futur régime climatique doit permettre un suivi précis des actions, sur la base de rapports fiables, dotés d'indicateurs partagés. C'est là un des aspects fondamentaux pour asseoir le partage d'informations, et surtout satisfaire aux exigences de transparence et garantir un climat de confiance entre les Etats.
- Même s'il est incomplet et mérite de ajustements conséquents, il faut garantir la poursuite du protocole de Kyoto, seul instrument juridique contraignant au niveau international.
Les groupes de travail ont été mis en place dès lundi soir pour parvenir à des propositions concrètes en fin de semaine, sur ces sujets clés, mais également concernant le protocole de Kyoto.
Les territoires et populations attendent aujourd'hui un signal fort de la communauté internationale, et un appui, financier, technologique, pour renforcer les capacités. Les décisions attendues seront donc capitales pour réaffirmer la crédibilité du processus, et rétablir un climat de confiance au sein des négociations multilatérales. Car il y a urgence. Face au compte à rebours, Cancun ne peut être un échec .
Passer du discours à l'action
Lors de la séance d'ouverture, les pays ont témoigné d'une volonté partagée de passer à l'action : en renforçant les capacités d'action des acteurs, en améliorant les connaissances scientifiques et sur les besoins des populations ; en favorisant la mise en place d'actions sur les territoires, et l'accès à des financements nouveaux et prévisibles pour mettre en œuvre des stratégies climat-développement. Le rôle de la société civile et des collectivités locales notamment a été mis en avant dans cette logique. Les nombreuses initiatives menées aux niveau national, local régional, témoignent de la volonté et de la capacité des populations et acteurs de terrain à faire face aux changements climatiques. C'est ar cette voie opérationnelle que se construisent les trajectoires vres undéveloppementpost carbone, accesible à tous etdémocratique.
Les pays en développement ont insisté sur le besoin impératif pour eux de voir Cancun aboutir à des résultats positifs. Pour le groupe Afrique, qui compte 53 pays représentés par la République démocratique du Congo, il faut faire en sorte que Cancundébouche sur des décisions favorables, « utiles » aux pays en développement, notamment aux pays les plus vulnérables. C'est la condition d'une issue positive ici, à Cancun.
Il faut y voir la nécessité de raccrocher les mécanismes internationaux aux réalités et besoins des populations, dans le respect de leur diversité. Le multilatéralisme, en panne à l'issue de la conférence de Copenhague il y a un an, aura sans aucun doute à y gagner.
Le Sommet de Cancun saura-t-il rétablir la confiance ?
Copenhague avait révélé les faiblesses du multilatéralisme : le manque de transparence des négociations ont débouché sur un accord qui n'a pas été accepté à l'unanimité. A Cancun, les discours des Pays en développement expriment l'exigence de transparence. Ils ne pourront accepter un processus de négociation, qui comme il y a un an, s'accommode de discussions parallèles. Les pays en développement ont ainsi réaffirmé la nécessité de maintenir le principe de consensus au sein des négociations. La lutte contre le changement climatique se fera avec tous les pays. Les tentatives de blocage de certains pays ne sont plus tenables, estiment les pays de l'alliance bolivarienne. Alors, Kyoto après 20102, sans les Etats Unis, c'est possible ? Les résultats des élections de mi-mandat aux Etats Unis ont mis fin aux espoirs de voir adopter une loi climat avant quelques années... Cela n'empêchent en rien les avancées sur le terrain.
Les séances d'ouverture ont permis de prendre le pouls de cette conférence, les Etats étant amenés à s'exprimer sur leurs positions. Exigences, précautions, ambition et fermeté sont au rendez-vous.
De nombreux Etats ont commenté les récents rapports scientifiques sur le climat, les perspectives de réchauffement, les scénarios d'évolution. Les décideurs doivent prendre en compte les recommandations des scientifiques... Pour limiter le réchauffement climatique à 2°C d'ici la fin du siècle, les scientifiques recommandent de diviser par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 par rapport à 1990, et aux pays industrialisés de réduire leurs émissions de 25 à 40% d'ici 2020. Or, les engagements pris à ce jour par les Etats dans le cadre de l'Accord de Copenhague ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les scénarii d'évolution du climat, basés sur ces annonces, laissent entrevoir une augmentation de la température d'au moins 3°C. La non prise en compte des recommandations des scientifiques du GIEC ferait peser de sérieux risques pour l'accès à l'eau et à l'alimentation de millions de personnes et pour la sécurité de nombreuses villes implantées sur les zones côtières sur l'ensemble du globe. Les changements climatiques impacteront en premier lieu, et de manière dramatique, les zones arides en Afrique, en Australie, en Asie du Sud, ainsi que les mégalopoles côtières... Si les engagements de réduction des émissions ne sont pas à l'ordre du jour à Cancun, leur faible niveau d'ambition pèse sur les négociations et obscurcissent l'issue de la conférence.
De même, de nombreux Etats ont évoqué les catastrophes climatiques auxquelles ils sont confrontés, et qui « sapent leurs efforts de développement ». Les mécanismes internationaux peuvent-ils prémunir les Etats, et notamment les plus vulnérables, des pertes et dommages infligés par les impacts du changement climatique ? Pour certains états îles notamment, c'est une question de survie, une des condition à une issue favorable au Sommet de Cancun.
Marie Chéron, chargée de mission à l'Association 4D