Il n'est pas rare de lire que les populations affectées par le changement climatique ou les conséquences des désastres environnementaux attendent beaucoup des sommets comme celui qui vient de s'ouvrir à Cancun pour résoudre les défis auxquels ils sont confrontés. Présenté comme le sommet de la dernière chance pour sauver la planète, Copenhague n'avait-il pas créé l'illusion qu'il était possible, par un accord entre les pays de la planète, de résoudre la crise climatique ? Cancun, dont plus personne n'espère un accord global, contraignant, juste et à la hauteur des enjeux, suscite-t-il des attentes particulières ?

Agrandissement : Illustration 1

Notre participation aux caravanes organisées par la Via Campesina, l'Assemblée des Affectés Environnementaux (ANAA), le Syndicat mexicain des Électriciens et le Mouvement de Libération Nationale, ont permis de se faire une idée plus précise. L'objectif de ces caravanes : « visibiliser » quelques-uns des lieux et des communautés fortement affectés sur le plan environnemental au Mexique. A la question « qu'attendez-vous de Cancun », rares sont ceux qui vous répondent qu'ils attendent que « les gouvernements passent à l'action ». Ils n'ont aucune illusion. A l'image des spécialistes du climat, militants d'organisations sociales et environnementales, intellectuels que nous avons interrogés au cours des 4 derniers mois, dans le cadre du projet Echo des Alternatives comme le montre cette vidéo.
« Nous allons à Cancun pour dire vraiment ce que sont nos gouvernements, pour montrer les ravages de leurs politiques et dire que nous ne sommes pas convaincus par leurs mesures d'adaptation » nous a confié Machuy Zamouripa de la communauté Magdalena Contreras qui se bat contre un projet d'autoroutes pour desservir les quartiers riches de Mexico au détriment de leur village et de la forêt avoisinante. Selon Christina Barros de cette même communauté, « les gouvernements ont décidé de ne pas s'occuper des peuples, seulement du capital et du pouvoir économique ». « Ils n'ont jamais eu pour objectif de préserver un environnement sain ou nos droits, dont celui de vivre là où nous sommes », poursuit Machuy.

Agrandissement : Illustration 2

Cette réaction est-elle une exception ? Pas le moins du monde. Sur le parcours des trois caravanes parties de San louis Potosi, Guadalajara et Acapulco, ce sont des dizaines d'exemples de communautés affectées par les mono-cultures d'exportation, les industries destinées aux marchés du Nord, aux négligences et décisions arbitraires des autorités ne tenant aucun compte des communautés locales. Ces caravanes démasquent les contradictions du gouvernement mexicain qui s'est présenté comme « vert » à la veille de Cancun. Mais pas seulement. Elles démasquent également le caractère absolument pernicieux des politiques libérales imposées par les pays du Nord. L'Anaa rappelle ainsi que le Mexique est sans doute le pays qui a signé le plus d'accords de libre-échange de la planète, plus de 40. Et que depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de Libre Echange Nord Américain (ALENA), le 1er janvier 1994, le Mexique est devenu « un des pays connaissant les plus hauts niveaux de dévastation environnementale de la planète, permise par la dérégulation produite par ces accords ».
Il suffit de quelques heures passées à El Salto (Etat de Jalisca) ou à Toluca (Etat de Mexico) pour appréhender les conséquences concrètes de ces dérégulations profitant aux multinationales du Nord. Dans les deux cas, d'immenses zones industrielles, facilitées par des politiques fiscales avantageuses et une absence totale de régulation environnementale, rejettent leurs effluents contaminés directement dans les rivières environnantes. A El Salto, tirant son nom d'une jadis magnifique cascade de 40 mètres de long et 15 mètres de haut, il est devenu impossible de se baigner, au risque d'y perdre la vie, comme pour le jeune Miguel Angel qui s'est empoisonné à l'arsenic en janvier 2008. Au pied de la cascade, dont le débit est beaucoup plus faible et l'odeur fétide, semblent se détacher des bouts de banquise. En réalité ce sont des mousses extrêmement polluantes qui poursuivent leur route dévastatrice sur l'aval de la rivière. En amont, ce sont des entreprises pharmaceutiques multinationales, des entreprises de production automobile mais également des entreprises d'assemblage informatique qui profitent à la fois des bas salaires et d'une totale impunité environnementale pour vendre leurs produits au meilleurs prix sur les marchés des pays dits « développés ».

Agrandissement : Illustration 3

Ces exemples sont monnaie courante. L'Anaa recense 63 cas de graves pollution et de destruction des ressources naturelles. Le Mexique, comme d'autres pays, est devenu un paradis pour multinationales sans aucune considération sociale ou environnementale. Si la caravane n°1 a pu se rendre compte des conséquences dévastatrices des mines à ciel ouvert lors de son passage à San Louis Potosi (Cerro San Pedro), 70 % du territoire mexicain est aujourd'hui livré aux prospections minières des multinationales. A Coatzacoalcos (Etat de Véracruz), la caravane partie ce 1er décembre de Mexico City, avec plus de 500 participants, y rencontrera des populations affectées par l'industrie pétrolière qui a contaminé l'eau, l'air et le sol, suscitant des taux de cancer parmi les plus élevés de la planète.
Que fait le gouvernement mexicain ? Pas grand chose. Qu'attendent les populations affectées de Cancun ? Absolument rien, la plupart du temps résignées par des années de luttes et d'interpellations des pouvoirs publics sans obtenir de réaction. Ils pratiquent ce que Enrique Encizo Riviera d'El Salto appelle « l'environnementalisme des pauvres, un environnementalisme par obligation, une lutte de survie pour la vie de nos enfants ». « Nous sommes les témoins et les victimes des conséquences de leurs activités, mais personne ne nous écoute », poursuit-il. Pour Graciella Gonzales de l'Anaa, « seuls les gens peuvent résoudre ces problèmes, par leurs luttes et leurs organisations pour construire une alternative ». Cancun ? « Une opportunité pour mettre en lumière la duplicité des gouvernements, et montrer qu'on ne pourra pas préserver l'environnement sans changer de système ».
Maxime Combes, membre de l'Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)

Agrandissement : Illustration 4
