Avant Cancun, le discours officiel était « finies les grandes ambitions et la recherche d'un accord global, place aux petits pas et aux avancées sectorielles » (financements, déforestation, etc...). L'annonce fracassante du Japon affirmant qu'il ne souhaitait pas de deuxième période d'engagements dans le cadre du protocole de Kyoto a changé la donne.

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La Japon a depuis été rejoint par la Russie et le Canada, et conforté par des déclarations plus qu'ambiguës de l'Union Européenne dont on ne sait pas vraiment ce qu'elle veut, ou par celles des Etats-Unis. Le débat s'est ainsi retourné et la stratégie de Christiana Figueres a volé en éclat. A la fois les pays du Sud - notamment la Bolivie et ses alliés -, et la société civile ont transformé ces déclarations en casus belli. Seul dispositif légalement contraignant - bien qu'impuissant à sanctionner les pays qui ne respectent pas leurs engagements - le protocole de Kyoto reste pour beaucoup un dispositif à préserver et prolonger.
Coup d'éclat
Cette deuxième période d'engagements, prévue par les textes signés par ces mêmes pays - hors Etats-Unis - est donc en passe de devenir la pièce incontournable des négociations. Le reste (financements, déforestation, etc...) n'est pas pour autant secondaire. Mais la " progression " de ces dossiers dépend désormais étroitement de l'issue du protocole de Kyoto. La très grande majeure partie des pays en développement, notamment les pays africains, exigent que les pays dits « développés » s'engagent sur une nouvelle période après 2012. Pour l'instant sans succès. Et sans prendre pour le moment la seule décision à-même de changer la donne : « clasher », réaliser un coup d'éclat en quittant la table des négociations, ne serait-ce que momentanément. A la veille de l'arrivée des ministres, aucun pays n'a encore pris cette responsabilité. Cela permettrait pourtant de dissiper le brouillard autour de ces négociations.
Le niveau des émissions ? C'est pas par ici...
Ce renversement de débat étonnant ne doit pourtant pas faire illusion. Si le protocole de Kyoto est au centre des débats, il masque l'essentiel : le niveau de réduction d'émissions de Gaz à Effets de Serre (GES) à atteindre à court et long terme. Puisque les pseudo-engagements de Copenhague ne sont pas à la hauteur des exigences de réduction fixées par la science et que les émissions mondiales sont reparties à la hausse en 2010 (+ 3 % selon toute vraisemblance), la logique aurait voulu que le débat porte sur le niveau de réduction des émissions pour 2020 et 2050 ainsi que sur les dispositifs contraignants à mettre en oeuvre. Rien de tout cela. Ainsi, après une semaine à Cancun, et aussi étonnant que cela puisse paraître, aucun des débats ne porte sur le niveau de réduction de GES. Par contre, de nombreux acteurs s'attachent à promouvoir les fausses solutions : la sauvegarde et l'extension des marchés carbone, l'extension du rôle de la Banque Mondiale, un dispositif REDD sans reconnaissance des droits des populations indigènes, l'intégration de la séquestration du carbone dans les mécanismes de développement propre, le recyclage de l'aide au développement. Le constat « il n'y a rien de bon à attendre de Cancun, mais beaucoup de choses mauvaises », établi par cette vidéo, n'en est que plus prégnant.
Retour à la réalité
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Sortir des lieux officiels des négociations, c'est revenir à la réalité. Loin du Moon Palace, ces salons, piscines et transats sur sable blanc, deux espaces de la société civile ont ouvert ce week-end. D'un côté, l'espace mexicain - Dialogue climatique. D'autre part, avec l'arrivée des caravanes de la Via Campesina et de l'Assemblée des affectés environnementaux du Mexique (voir ici), ce sont des populations directement touchées par le changement climatique qui ont investi le complexe sportif Jacinto Canek, au coeur de la ville de Cancun. Le forum « pour la vie, la justice environnementale et sociale » associe compte-rendus des caravanes, débats thématiques et actions de rue. Ainsi en est-il de la manifestation de ce dimanche visant à commémorer la mémoire de Lee, ce paysan sud-coréen qui s'était immolé par le feu lors du sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce en 2003. Pour l'OMC, l'objectif de la Via Campesina et autres mouvements internationaux était de bloquer les négociations et/ou, en tout cas, en sortir des éléments essentiels comme l'agriculture.
Reclaim Power bis
A l'inverse de l'OMC, dans les négociations climat, alors qu
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e les dérèglements climatiques s'accroissent et font peser de grandes incertitudes sur les populations les plus vulnérables (voir cette interview), il s'agit d'obtenir un accord à la hauteur des enjeux, juste et contraignant. En ce sens, et parce que beaucoup n'ont aucune illusion sur le résultat s'il n'y a pas un choc exogène chamboulant les négociations de fond en comble, la Via Campesina et ses alliés initieront ce mardi une manifestation qui se rapprochera autant que possible du lieu officiel de négociation. Ce mardi 7 décembre est la journée de mobilisation internationale et des 1000 Cancun. Au plus près du lieu officiel des négociations, dans une perspective similaire à l'action Reclaim the Power organisée le 16 décembre dernier à Copenhague, une assemblée des peuples sera alors organisée, qui sera rejointe par des délégués et observateurs de l'intérieur des négociations. Pour mettre les négociations sur les rails de la justice climatique et de la justice sociale ?
Maxime Combes, membre de l'Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)