Amélie Canonne

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Billet de blog 7 décembre 2010

Amélie Canonne

Présidente de l'AITEC (http://aitec.reseau-ipam.org), militante altermondialiste...

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Walking on the Moon

A l'issue de la première semaine de négociations les perspectives de compromis constructifs semblent un peu plus éloignés qu'au lendemain de la COP15 de Copenhague - on utilise ici « compromis positif » pour qualifier tout accord même sectoriel à travers lequel les pays riches assumeraient leurs responsabilités historiques dans la crise écologique et leur devoir de solidarité avec les pays en développement qui en paient aujourd'hui le prix fort.

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A l'issue de la première semaine de négociations les perspectives de compromis constructifs semblent un peu plus éloignés qu'au lendemain de la COP15 de Copenhague - on utilise ici « compromis positif » pour qualifier tout accord même sectoriel à travers lequel les pays riches assumeraient leurs responsabilités historiques dans la crise écologique et leur devoir de solidarité avec les pays en développement qui en paient aujourd'hui le prix fort.

Illustration 1
Le stand de l'ALBA au village de la Via Campesina © A. Canonne

Alors que Cancun pouvait être la réunion d'étape qui permettrait de restaurer la confiance avant la COP17 et la conclusion du fameux accord complet, c'est l'inverse qui semble se produire : l'éradication systématique, et dans l'oeuf, de toute chance de rapprochement entre les parties négociantes, même sur des questions qui peuvent paraître secondaires. En fait les grandes puissances ont même repris de l'assurance, et font tomber les derniers jalons.

Le paquet dit « LULUCF » (Land use, Land use change and forestry / Usage de la terre, changement de l'usage de la terre et exploitation de la forêt) est en passe d'être agréé, enrichi d'éléments qui avaient pourtant été écartés à Copenhague. C'est l'Union européenne qui pilote la négociation sur le LULUCF et elle semble appliquer la totalité de son énergie à ce dossier tant elle en attend. En effet le LULUCF permet (en résumé) d'amoindrir ses obligations de réductions d'émissions de GES par le développement des bioénergies et des techniques de captation et de stockage de carbone dans les sols ou les plantations. L'UE y voit non seulement un instrument idéal d'ajustement de ses engagements mais aussi un dopant inespéré pour son économie.

REDD+ aussi pourrait bien être conclu, même si les scenarii concernant son volet financier (arrimage aux MDP, modalités de transfert financiers) restent en débat. La Bolivie et l'ALBA demeurent le dernier bastion d'opposition à l'adoption du texte (qui exige un consensus entre tous les Etats) et continuent d'exiger que la lutte contre la déforestation soit appuyée par des financements publics.

Mais ce sont surtout les questions du post-Kyoto et du financement des pays en développement qui ont animé la première semaine.

Les pays partie prenante de Kyoto (Japon, Canada) organisent tout simplement l'exécution finale des lambeaux de la négociations ; le Japon a annoncé à grand bruit sa décision de ne pas reconduire ses engagements de réduction de ses émissions de GES pour une seconde période post-2012, et sa conviction que le protocole était mort désormais.

Le Canada appuie, et l'Australie est également embarquée dans l'opération, même si elle hésite encore à sortir du bois. On n'a donc jamais été aussi loin d'un nouvel accord, encore plus loin même qu'au Danemark en décembre 2009 au terme de la COP15.

Quant à la discussion sur le financement des initiatives d'atténuation et d'adaptation des pays en développement par les pays riches, elle est basée sur un texte de facture mexicaine, porté en fait par les USA. La problématique principale : les pays développés demandent aux pays en développement de s'engager sur des chiffres et actions d'atténuation avant que ne soient clarifiés les montants et les modalités de ces financements. Alors que c'est cet argent qui doit permettre de les financer les dites actions ! Les USA ne veulent pas agir en première ligne mais espèrent que la présidente mexicaine Patricia Espinosa pourra faire accepter le placement du « fonds vert » sous la responsabilité de la Banque mondiale. Quant aux montants ils ne sont même pas en discussion même si tout le monde sait que le chiffre de Copenhague (les 100 milliards d'ici à 2020) sont dramatiquement inférieurs aux besoins, et les perspectives de sources nouvelles, taxes globales sur les transports ou sur les transactions financières par exemple, ne sont même pas vaguement discutées.

Les bateaux de guerre croisent au large du Moon Palace. Un signe ?

En fait, loin de s'atténuer, les lignes d'affrontement se durcissent (sur la suite de Kyoto, sur la finance), on creuse les tranchées. Un nouveau front réactionnaire se dessine, mené par le Japon et le Canada. La Bolivie et l'ALBA tiennent le dernier bastion de résistance alors que le G77 demeure spectaculairement silencieux. Présidé par la République démocratique du Congo cette année, il ne porte pas la voix unie et déterminée comme le fit le représentant du Soudan à Copenhague. Et comme la Chine a obtenu des avancées sur LULUCF, elle demeure en retrait. L'affrontement attendu avec les USA n'aura lieu que dans le cas où une nouvelle proposition de texte sur le post-Kyoto apparaît en fin de course.

L'« accord » a minima (LULUCF et REDD+) qui se dessine, c'est un respirateur artificiel pour des négociations à bout de souffle. Surtout, même dans une configuration aussi minimaliste, la possibilité d'un accord sur le post-Kyoto s'éloigne. On pencherait presque pour la politique du pire, de la rupture, claire et nette et trash, de la désertion des décombres de la discussion.

Les pays en développement sont en minorité écrasante dans les négociations face aux délégations des pays développés, entre 100 et 150 personnes en moyenne. Et les ONG commencent à se préoccuper de l'organisation des débats en prévision de la fin de deuxième semaine : des réductions drastiques d'accès aux réunions clés, voire à tout le centre de négociations, sont annoncées dès mercredi. Paranoïa de gouvernements et de technocrates assiégés, à l'image de ce « Moon palace », bunker démentiel façon néo-hacienda, encerclé à 10 kilomètres à la ronde, où vivent enfermés depuis 10 jours 2000 délégués de la COP nourris, abreuvés, divertis in situ.

Les mouvements citoyens quant à eux ne désarment pas. Des manifestations et des actions se préparent, dès demain les mouvements sociaux seront dans les rues de Cancun pour faire monter la pression d'un cran.

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