Billet de blog 31 octobre 2008

Romain Lacuisse
Concertation et participation publique
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Retour sur le « big bang territorial » proposé par les députés

La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté le 8 octobre dernier un rapport d’information sur les collectivités territoriales. Cible des réflexions : l’enchevêtrement des compétences entre les divers échelons. Pour résoudre ce problème, la mission préconise une attribution mieux délimitée de leurs domaines d’action, ainsi qu'un remaniement significatif de l'organisation territoriale. Une préfiguration des travaux du comité Balladur ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté le 8 octobre dernier un rapport d’information sur les collectivités territoriales. Cible des réflexions : l’enchevêtrement des compétences entre les divers échelons. Pour résoudre ce problème, la mission préconise une attribution mieux délimitée de leurs domaines d’action, ainsi qu'un remaniement significatif de l'organisation territoriale. Une préfiguration des travaux du comité Balladur ?

Certes concertée et contrôlée, la réforme des collectivités territoriales ne doit pas pour autant manquer d’ambition. Alléger le millefeuille territorial : l’intention est claire, et reprend la volonté présidentielle. Dans sa lettre de mission à la Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, Nicolas Sarkozy n’écrivait-il pas à Michèle Alliot-Marie : « Nous vous demandons, dans la concertation avec les collectivités, les moyens de clarifier les compétences des différents niveaux de collectivités locales en les regroupant par blocs et en supprimant les redondances. » L’un des enjeux de la réforme, qui est aussi l’un des principaux sujets de débats, réside dans cette rupture avec la clause générale de compétence : actuellement, toute collectivité a le pouvoir d’agir dans tout domaine qu’elle juge correspondre à un intérêt public local, du moment que cette compétence n’est pas expressément dévolue à une autre personne publique.

La mission d’information se prononce pour une délimitation stricte des compétences, l’enchevêtrement organisationnel et financier actuel étant selon elle source de bien des maux. Tout projet nécessite en effet des négociations interminables et ne connaît pas de responsabilité nette. L’évaluation des actions est quasi-impossible (comment tirer actuellement le bilan des contrats Etat-régions ?), et l’empilement des échelons empêche la maîtrise des finances publiques. Enfin, face à une telle complexité, citoyens et entreprises se trouvent souvent désemparés.

Comment parvenir à une attribution plus lisible des champs d’action de chaque échelon territorial ? Tentant de concilier ambition et prudence, les députés dégagent trois principes :

1°) Mettre fin aux financements croisés entre collectivités : un seul niveau territorial devrait pouvoir participer au financement d’un projet conduit par une autre collectivité ;

2°) Attribuer 80% des compétences exclusivement à un niveau territorial ; parmi les exemple les plus spectaculaires, les départements verraient leur vocation sociale consolidée (ce qui pose la question de leur réelle liberté d’action), et les régions seraient entre autres aux commandes des transports terrestres (regroupement des autorités organisatrices de transports à l’image du STIF en Ile-de-France) ;

3°) Afin de conserver une certaine souplesse en fonction des contextes locaux, permettre aux collectivités attributaires d’une compétence exclusive de la déléguer entièrement à un autre échelon.

Mais en parlant de « big bang territorial », c’est bien la carte de France des collectivités que les députés entendent bouleverser. Sommairement résumé, le but est ici d’agrandir les collectivités et de réduire leur nombre, sachant que la suppression d’un échelon territorial n’est pas envisageable : fusions et incitations sont au programme de sept principes de réorganisation :

4°) Diminuer le nombre des collectivités locales par des incitations au regroupement (entre structures de même niveau ou de niveau différent)... même si à terme une voie plus coercitive n’est pas exclue. Un dilemme : qui devra valider ces fusions : les assemblées délibérantes ou bien les électeurs, par référendums locaux ?

5°) Modifier la carte des régions, d’une part en regroupant les plus petites, d’autre part en transférant des départements d’une région à une autre moins peuplée ; le chiffre de 12 à 15 régions est fréquemment évoqué comme un nombre idéal ;

6°) Donner la possibilité à une région et à ses départements de se fondre en une seule collectivité territoriale nouvellement créée : la « grande région », dont l’assemblée pourrait être élue par un mélange de scrutin majoritaire et de scrutin proportionnel ;

7°) Dans les départements fortement urbanisés, permettre la fusion des Conseils généraux et des intercommunalités en « métropoles » ;

8°) Favoriser la fusion des EPCI (établissement publics de coopération intercommunales : communautés de communes, syndicats intercommunaux, etc.) ; compléter la couverture du territoire par des EPCI, et parvenir à leur cohérence territoriale (fin des enclaves et des communes isolées), y compris par intervention du Préfet ;

9°) Supprimer les pays et intégrer leurs attributions aux intercommunalités ;

10°) Favoriser la création de collectivités uniques intercommunalités/communes, soit en absorbant les compétences communales au sein des EPCI, soit en s’inspirant du système Paris-Lyon-Marseille (l’intercommunalité jouerait le rôle central, les communes celui des mairies d’arrondissement).

Ces réflexions préfigurent-elles celles du comité Balladur ? Quoi qu’il en soit, d’autres acteurs revendiquent leur accès au débat, avec un angle d’approche non exclusivement centré sur l’organisation territoriale. Ainsi, l’assemblée des départements de France n’oublie pas, parallèlement à la recherche d’une « meilleure lisibilité de l’action publique », d’appeler à une « réforme fiscale simultanée à toute réforme des compétences […] et permettant d’aboutir à une péréquation plus forte et plus juste. » (résolution finale du congrès d’Orléans les 28 et 29 octobre 2008).Par ailleurs, son opposition à la suppression de la clause générale de compétence annonce l’une des orientations du débat : faut-il limiter les domaines d’action des différents échelons territoriaux au nom de l’efficacité administrative et financière, quitte à restreindre ainsi la liberté des collectivités territoriales ?

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