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Billet de blog 7 décembre 2008

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Prométhée, Atlantis, de Christophe Bec

Dense, brillant, superbement dessiné. Tels sont les mots qui viennent à l’esprit à la lecture de Prométhée de Christophe Bec paru en novembre aux éditions Soleil. Auteur maison, créateur des séries Sanctuaire avec Xavier Dorison et Bunker avec Stéphane Betbeder, Christophe Bec revient avec une nouvelle série, dont le premier tome, Atlantis, va nous mener de l’origine de l’univers à son futur. A sa fin ?

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Dense, brillant, superbement dessiné. Tels sont les mots qui viennent à l’esprit à la lecture de Prométhée de Christophe Bec paru en novembre aux éditions Soleil. Auteur maison, créateur des séries Sanctuaire avec Xavier Dorison et Bunker avec Stéphane Betbeder, Christophe Bec revient avec une nouvelle série, dont le premier tome, Atlantis, va nous mener de l’origine de l’univers à son futur. A sa fin ?

Prométhée débute en 1513, dans une province du Panama que des conquistadors espagnols traversent, épuisés, en proie à la maladie et aux attaques de toutes sortes. La scène d’ouverture, énigmatique et déjà en forme de climax après trois planches, cède la place à un retour dans le passé : la légende de Prométhée, la théogonie, la création de l’univers…

Dans la mythologie grecque, Prométhée est un Titan. Selon la légende, c'est lui qui créa les hommes à partir d'une motte d'argile et qui, malgré l'opposition de Zeus, leur enseigna la métallurgie et d'autres arts. Surtout, Prométhée leur donna le feu, qu'il avait dérobé aux Dieux, et entra de ce fait en conflit avec Zeus. Celui-ci, par vengeance, le fit enchaîner sur le mont Caucase pour y avoir chaque jour le foie dévoré par un aigle. Aujourd’hui, le mythe de Prométhée est admis comme allégorie de l'apport de la connaissance aux hommes.

Extrêmement documenté, Prométhée puise dans des sources très diverses : tragédie grecque, peinture, romans d’anticipation, Eschyle, Rubens, Ingres, Asimov… l’imagination de Christophe Bec fait le reste, serait-on tenté de dire. Le dessin est magnifique, tout en contrastes et en pastels dans les ciels, en clair-obscur sur les visages et les scènes où Prométhée, narrateur et fil conducteur, apparaît. L’auteur maîtrise l’art de la mise en scène, la ligne graphique étant renforcée par la présence de somptueuses doubles pages vertigineuses et évocatrices. Plus encore, quand Christophe Bec emprunte les visages de Samuel Beckett et Fred Ward pour incarner deux des personnages principaux, il ne s’agit pas simplement de clins d’œil, mais bien de véritables hommages aux genres qu’il aborde.

2019. 22 septembre, 13 h 13. La navette Atlantis disparaît des écrans de contrôle lors de son dernier vol. Toutes les montres et horloges de la planète s’arrêtent alors qu’au même instant, le mécanisme d’Anticythère, mystérieux astrolabe se met en marche. Ce qui était jusque-là considéré par la communauté scientifique comme improbable, voire impossible. Le lendemain, Atlantis réapparaît. Encore un jour plus tard, toujours à 13 h 13, c’est au tour de centaines de navires disparus de refaire surface, tandis qu’à l’heure funeste, des milliers d’avions se crashent simultanément.

Pour qui n’est pas familier du fantastique et de l’anticipation, le propos pourrait rebuter. Comment mixer les références historiques et légendaires, les événements et catastrophes célèbres des siècles derniers ? Comment réutiliser le thème rebattu de l’apocalypse (sans connotation religieuse) et s’approprier celui-ci pour construire un scenario moderne, ultra réaliste, sans user et abuser de ficelles scénaristiques auxquelles on ne croirait pas ?

Servi par un pitch ambitieux, la trame de ce tome 1 est extrêmement prometteuse, prenante. Prométhée - Atlantis est une somme de scènes d’exposition. Des confins de l’Amérique du Sud du XVIème, au XXIème siècle, en prenant comme point de départ un mythe devenu universel, l’album nous entraîne dans une course effrénée où les catastrophes se succèdent, déjà inéluctables. Prométhée nous promet donc une lecture à plusieurs niveaux, de l’histoire en forme de course contre la montre avant l’Armageddon, une réflexion sur une éventuelle sentence divine envers le progrès technique, des personnages qui s’écrivent et s’installent naturellement dans la narration principale, le souci du réalisme comme celui, assumé, de l’insertion de l’imaginaire collectif…

Autant d’ambition dans un seul album ne peut qu'être salué. DB

Prométhée, tome 1, Atlantis, Christophe Bec, Soleil, Novembre 2008, 12, 90 €