La mort de Staline

Fabien Nury est le scénariste qui monte. En six ans de carrière, il a enchainé les succès avec W.E.S.T., Je suis légion, Le Maître de Benson Gate (Dargaud), L’Or et le sang (12Bis)… et avec eux la reconnaissance, déjà, puisque le prolifique auteur a été nominé par trois fois au FIBD 2011 où il a été récompensé avec le tome 4 d’Il était une fois en France (Glénat). Thierry Robin est le dessinateur talentueux de Koblenz, de Rouge de Chine (Delcourt).

Paru en octobre 2010, La Mort de Staline est un biopic en ironie majeure. Revenant sur les derniers jours du dirigeant soviétique, Nury brosse un tableau au papier de verre sur cette histoire dans l’histoire. Les faits : quand au soir du 28 février 1953, Staline se retire dans une de ses sept chambres, à l’abri derrière une porte blindée, rien ne présage que le dictateur vit ses derniers instants. Ce n’est que deux jours plus tard que la porte sera forcée et que l’on découvrira Staline allongé sur le sol de sa chambre, frappé par une attaque cérébrale. L’album : ce soir-là, la radio retransmet en direct le concerto pour piano nº 23 de Mozart dont Staline demande un enregistrement. Le hic, c’est que le programme n’a pas été enregistré. Par peur des représailles, le directeur de la radio fait rejouer le concerto. Mais au moment de faire livrer l’enregistrement, la soliste Maria Ioudina, qui hait le dictateur, glisse un mot à l’attention du Petit père des peuples. Staline lit la note, écoute le concerto, et s’effondre sur le sol.

" Bien qu'étant insoirée de faits réels, cette histoire n'en demeure pas moins une fiction, librement construite d'après une documentation parcellaire parfois partiale et souvent contradictoire. "

De ce postulat, en mêlant vérité historique (du moins la version officielle) et fiction, La Mort de Staline est un drame en cinq actes se jouant directement dans les coulisses du pouvoir. Khrouchtchev, Boulganine, Béria, Malenkov, Mikoyan et les enfants de Staline sont les acteurs de ce drôle de drame. Selon les différents protagonistes, les intérêts privés et le bien commun s’affrontent. Les doutes, la paranoïa, l’ambition aussi. Tandis que la nouvelle est tenue secrète, une poignée d’homme va donc décider du sort de l’URSS. Dans l’antichambre du régime soviétique et avant que la dépouille mortelle du dictateur soit transportée dans un garage pour y être autopsiée, le cours de l’histoire va s’en trouver changé.

Le livret est connu (pour rester dans un registre musical), à la manière d’un opéra grandiloquent, Thierry Robin (très à l’aise dans cet univers de mort et de pouvoir, avec un dessin expressif au cadrage nerveux et vertigineux) et Fabien Nury mettent en scène la mort de Staline avec les parts d’ombre et de noirceur inhérentes à cette période de l’histoire. De secret d’état en arcanes, d’anecdotes sanglantes en petites phrases assassines, les dernières heures de Joseph Djougachvili, sous la plume de Fabien Nury, sont une pièce où l’absurde, le comique et le politique sont intimement liés. Un régal. – D. B.

«La Mort de Staline, Une histoire vraie...» Soviétique, de Fabien Nury et Thierry Robin, Dargaud 2010, 59 pages couleur, 13 € 95

Les première planches de l'album :

Crédit images © Nury - Robin / Dargaud 2010