Écrit, dessiné et réalisé par Zep, Titeuf, le film est sorti sur les écrans le 6 avril. Avant d’être un long métrage, Titeuf est un blockbuster de la bande dessinée. Plus de 16 millions d’albums vendus depuis Dieu, le sexe et les bretelles, sorti en librairie en 1992.
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Il faut le reconnaître, le succès de la série de Zep n’est pas totalement usurpé : un personnage attachant, des histoires en prise avec le quotidien, des questions existentielles enfantines déclinées avec tendresse d’albums en albums (avec un bonheur inégal cependant). Chaque album de Titeuf atteint son but en pratiquant un humour bon enfant (entre grivoiserie pré-pubère et comique de situation générationnel)… Une machine plutôt bien huilée.
En 1992, alors qu’il griffonne la « tête d’œuf » de son personnage pour la première fois, Zep est en passe d’arrêter la BD. Poussé par son entourage, il persévère et propose des planches publiées dans un fanzine. Si le tirage du premier exemplaire est modeste, le douxième album est tiré à 1,8 millions d’exemplaires. Depuis, Titeuf est devenu une mine d’or pour son créateur. Douze albums, deux hors séries, une exposition qui durera plus d’un an à la Cité des Sciences de Paris, deux jeux de société, plusieurs jeux vidéo, un mensuel, une place municipale à son nom, une série télé, une invitation au JT de France 2, un film… un film qui affiche 367 541 entrées dès sa première semaine d’exploitation.
Il ne s’agit nullement de critiquer l’engouement du public, mais peut-être de le relativiser : avec 622 copies, Titeuf le film fait proportionnellement moins bien que Numéro Quatre et Le Flingueur (avec respectivement 267 et 193 copies).
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Comme on peut s’y attendre, le film étire sur 1h27 les ressorts de la bd (et peut-être davantage ceux de la série d’animation télévisée). Malheureusement, là où la durée pourrait permettre de développer les personnages et de prolonger la lecture, le film lorgne du côté de la comédie sociale. En découle un déséquilibre qui nuit au divertissement : le film pour enfant se fait porteur d’on ne sait quel message (les psys « tronçonnent » le cerveau des enfants ; « il faut prendre la route »…) noyé dans un lot de gags pipi-rototo-caca. L’histoire principale en devient presque anecdotique et le volet familial comme les affres de Titeuf incapable de déclarer sa flamme à Nadia sont ponctués à la va-vite. Le caméo de Johnny Halliday en intermède musical ne change rien au marasme… c’est pourtant le moment où le film pourrait devenir intéressant quand Zep laisse libre cours à son imagination, Zep étant connu pour sa grande culture musicale, la bande son est d’ailleurs plutôt bonne facture (avec du beau linge dans les cœurs : Souchon, Cabrel, Goldman, Bénabar…) Un futur hit en perspective ?
Zep ne manque pas de talent et on aurait beau jeu de nier sa capacité à faire (sou)rire. Ses histoires se lisent sans déplaisir et son dessin rond désormais identifiable au premier coup d’œil possède un charme certain. Pour autant, ce qui devait être un passage remarqué sur grand écran se réduit à une transposition sans relief.
En moins de vingt ans, Titeuf s'est imposé au grand public comme un personnage phare de la bande dessinée. Titeuf est aujourd’hui une franchise « bankable ». Sorti le 6 avril, le film précède la parution du tome 13 des aventures officielles du héros à la mêche blonde. Trois ans après Le sens de la vie, Le Monde de l’adolescence est annoncé pour le mois de juin prochain. A l’occasion de la sortie du film on pourra trouver dans les bacs la réédition de l’intégralité de la série dans une collection « Spéciale Titeuf le film », des « Mégalivre coloriage », un Art book, l’album du film bien sûr, des puzzles, des stickers, un album « Tous en slip » (sur le principe des albums de poupées à découper et à habiller avec divers accessoires), un album 3d, un coffret… On en vient à se demander si le film lui-même n'appartient pas à ces produits dérivés. – D. B.
Titeuf, le film, de Zep. Avec les voix de Donald Reignoux, Sam Karmann, Zabou Breitman, Maria Pacôme, Jean Rochefort, Michael Lonsdale... En salle depuis le 6 avril 2011.
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