A soixante ans, le Marsupilami prend chair

Le Marsupilami est apparu le 31 janvier 1952 dans les pages du journal Spirou, personnage central de Spirou et les héritiers écrit et dessiné par André Franquin. Les lecteurs découvrent alors un animal hors du commun : «le marsupilami reste une énigme de la nature. D’aucuns affirment que cet animal est purement légendaire. D’autres prétendent l’avoir aperçu, mais les descriptions qu’ils en donnent semblent relever de la plus pure fantaisie». Le Marsupilamus Fantasii est né.

Originaire de la forêt amazonienne du sud-est de la Palombie, omnivore, doté d’une force herculéenne, au pelage jaune tacheté de noir, à la queue préhensile de huit mètres de long, le marsupilami est aujourd’hui un des personnages mythiques de la bande dessinée franco-belge. Il est surtout pour André Franquin beaucoup plus qu’un personnage fétiche (à l’instar de Gaston Lagaffe) : il est sa création. Repreneur de Spirou, Franquin avait beaucoup souffert du moule dans lequel il devait se fondre pour raconter les aventures du groom emblématique. Il fera du marsupilami un personnage à part entière de la série, un héros récurrent qui prendra de plus en plus de place au long de quinze aventures, des Héritiers jusqu’à Tembo Tabou (avec Greg et Roba) en passant par Le Repaire de la Murène et QRN sur Bretzelburg.

Chaque aventure mettant en scène l’animal permettait d'en découvrir une nouvelle facette, une nouvelle caractéristique biologique. Dans Les Pirates du Silence, on découvrait ainsi que le Marsupilami est capable de répéter des mots, dans Le repaire de la Murène, qu’il est amphibie... Franquin n’a eu de cesse de le façonner, d’en faire un personnage clé. Jusqu’à éclipser Spirou au travers d’un documentaire animalier (savoureuse mise en abyme) dans Le Nid des Marsupilamis.

La dernière apparition du Marsupilami dans une aventure de Spirou remontait à 1969, dans Le Faiseur d’or de Fournier (Franquin avait tenu à dessiner lui-même son petit personnage). Après quinze ans de silence, Franquin l’avait fait renaître en 1987, décidant d’en faire une série à part entière. Ce fut l’occasion pour le maître de reprendre le chemin de la planche à dessins et de signer un retour fracassant avec 600 000 exemplaires vendus pour le premier épisode des aventures en solo de l’animal. Il existe même une très sérieuse Encyclopédie du Marsupilami de Franquin (Marsu Productions, 1999) pour les plus exigeants, avides de tout savoir sur la créature.

Depuis, la série continue sous la houlette de Batem et Colman, avec un propos engagé, écolo et humaniste. Le dernier album en date est Opération Attila paru en mai 2011. Les droits ayant été entièrement cédés à Marsu Prouctions, le personnage a survécu à son créateur, deux séries séries d’animation pour la télévision ont vu le jour et le marsupilami se décline en produits et séries dérivés (les Marsu Kids ont vu le jour en octobre dernier). En avril prochain, Alain Chabat se lance sur sa piste dans une histoire originale (pour des raisons de droit là encore, Spirou appartenant à Dupuis, il ne sera pas possible de retourner aux sources de la bd). 

Le Marsupilami est un cas unique de la bd franco-belge. Les personnages anthropomorphes de Juan Diaz Canales (Blacksad), de Benoît Sokal (Canardo) ou de Régis Franc (Histoires immobiles et récits inachevés) ; les animaux parlants de Dupa (Cubitus), Macherot (Chlorophylle), Hergé (Milou) jusqu’à Trondheim (Lapinot) sont, bien sûr, de grandes réussites mais pour la plupart des animaux réels : chats, chiens, lapins, lérots... Le Marsupilami est, par sa naissance, son originalité et les qualités intrinsèques qui lui ont été conférées au fil du temps par son créateur, un cas unique en son genre : un animal fabuleux.

Sa transposition sur grand écran rendra-t-elle grâce à sa légende ? Réponse le 4 avril 2012.

DB

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