Les premières pages de L’évangile selon Judas d’Alberto Vasquez ont été réalisées en 2004 et publiées dans un fanzine. Au fil du temps, l’auteur a enrichi son œuvre de nouveaux épisodes qui composent aujourd’hui ce recueil surprenant, dérangeant, onirique et habité.
Judas est un écureuil muet au regard inexpressif, un écureuil que l’on devine torturé, en proie au doute permanent et à une certaine impuissance à vivre pleinement les choses. L’évangile de Vasquez est une aventure graphique hors normes. Itinérance autobiographique ou mise en abyme allégorique qui met en scène un animal dessinateur, angoissé de la page blanche, cherchant l’inspiration dans ses questionnements, s’interrogeant sur le métier même d’auteur, et en quête d’absolu.
Les amis, l’éditeur, l’amour, le collègue qui réussit, le regard des autres, la morale, la religion, la conscience sociale, le futur… sont autant de personnages à part entière et de sources d’inspiration dans cette BD inclassable et évocatrice d’un certain art, d’un certain parcours. Alberto Vasquez aborde sans détour les questions de la création, des psychotropes, de l’addiction au sens large, de la chute et de la rédemption.
L’Evangile selon Judas est un voyage intérieur qui ose la confrontation sans retenue aucune entre le réel et l’imaginaire, allant jusqu’à les entremêler dans des séquences où l’absurde le dispute au mystique. On y retrouve des questions universelles, un humour omniprésent, décalé et désabusé, en contrepoint de la noirceur du propos. Vasquez retrace, avec son graphisme torturé, les plongées de Judas dans cette sorte de pays des songes noirs, pays des merveilles qu’Alice aurait déserté en ne laissant que des paraboles sans réponses aux hôtes des lieux. L’Evangile selon Judas est roman graphique allégorique au symbolisme fort et à la force narrative indéniable.
DB
L’Evangile selon Judas, Alberto Vasquez, Rackam, 144 pages N & B, 20 €