Le Prix Jeune Talent de la BD 2009, organisé en partenariat avec les magasins Virgin Megastore, le Figaro Magazine et DBD, a été attribué le 15 janvier 2009 à Vincent Perriot et Arnaud Malherbe pour Taïga Rouge, dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis.
Présidé cette année par Pierre Christin (Valérian avec Mézières, Les Phalanges de l'Ordre noir, Partie de chasse avec Enki Bilal), le prix Jeune Talent récompense un album signé d’un auteur ayant publié moins de cinq titres.

Les nominés étaient au nombre de six : Freaks'Squeele de Maudoux's (Ankama), Le Goût du chlore de Vivès (KSTR), Le Grand Siècle d'Andriveau (Delcourt), Martha Jane Cannary de Blanchin et Perrissin (Futuropolis), Pico Bogue, la vie et moi de Roques et Dormal (Dargaud).
Et Taïga rouge.
S’inspirant des récits du docteur Ferdynand Ossendowski, universitaire, aventurier et écrivain, Arnaud Malherbe s’est approprié ce personnage bien réel impliqué dans les mouvements révolutionnaires de la Russie du début du XXème siècle. Condamné à mort, condamné aux travaux forcés, condamné à fuir, rien ne semblait prédestiner l’enseignant à un destin hors norme, fait de combats pour la vie, de courses-poursuites à travers les forêts de Mongolie, par-delà les plateaux et rides montagneuses entre le lac Baïkal et le moyen Amour. Jusqu’à l’Himalaya.

Rien ne prédestinait Ferdynand Ossendowski à devenir un jour le héros de Taïga Rouge. Si ce n’est ce périple, ce voyage quasi initiatique qu’il relatera plus tard. Cette fuite l’a conduit à rencontrer le baron Von Ungern-Sternberg – « le baron fou », « le baron sanglant » – dont le but fut de créer un empire à l’est du lac Baïkal. Cette course l’a mené à découvrir la réalité de l'Agharta, royaume légendaire et utopiste, « monde idéal dépositaire de connaissances ou de pouvoirs susceptibles de sauver l’humanité ». Rien sinon l’imaginaire d’Arnaud Malherbe, lecteur des récits d’Ossendowki qui a suivi ses traces. Il a rêvé, fantasmé, « trahi » – de l’aveu propre du scénariste de Taïga Rouge –, « tissé une histoire sanglante, tonitruante, tragique (…) ».
Au dessin, Vincent Perriot se révèle un talentueux metteur en images des rêves d’Arnaud Malherbe. La steppe est grise, les ciels lourds et chargés, les paysages fuyants. Tour à tour précis dans son trait fin, acéré même, tranchant, tout en angles, dans les visages – qu’ils soient de Russes blancs, de rouges Bolcheviks, de Chinois occupant Urga la ville martyre –, dans les expressions figées et les regards lourds de sens et de détermination, Vincent Perriot se fait aussi rond, évasif, silencieux. Dans les scènes de batailles, d’évasions et d’invasions des villes par les hordes mongoles, le dessin prend même une tournure irréelle, en grand angle, avec ses images déformées, ses contre-plongées vertigineuses.

Taïga Rouge est un album fascinant, une première œuvre qui croise le réel (Ferdinand Ossendowski, le baron Von Ungern-Sturnberg), l’imaginaire (Michel Strogoff, Docteur Jivago) et le fantastique avec les croyances et superstitions ancestrales, le mythe de l’Agharta, la sorcellerie et le shamanisme.
Un souffle épique traverse Taïga Rouge, la sauvagerie et la violence y sont baroques, persistantes. Comme sont lancinantes les pensées du docteur Ossendowski qui scandent ses actions, rythment l’album. Obsédantes. Envoûtantes.
BD Taïga Rouge est le premier album d’Arnaud Malherbe et Vincent Perriot.Dupuis, collection Aire Libre 2008. 18 €.
