Le bobo idéal revient de loin (il a tout vu, tout lu, tout connu). Le bobo idéal ne possède que peu de choses (c’est un nomade). Le bobo idéal sait parler. [Dupuy & Berberian]
Pour parler, il parle, le bobo. Il semble que ce soit son unique occupation et sa constante préoccupation. Il parle avec son pote, il parle avec sa compagne des difficultés de son job. Il parle avec la serveuse de ses mioches qui l’empêchent de vivre. Il parle à sa stagiaire ou à son éditeur. Mais c'est loin d'être un monologue. C’est le discours de la méthode équitable !
Les bobos de Dupuy et Berberian mangent, boivent, lisent et pensent bobo. De l’immobilier aux voyages, des souvenirs de vacances pour les enfants gâtés au brunch dominical, de la télé à l’art, ici tout est bio et bobo. Sauf l’humour des auteurs qui est dopé aux pluies acides.
Dans Bienvenue à Boboland, les bourgeois-bohèmes fraient sur les berges du canal Saint-Martin, le décor et les tentes sont plantés. On y croise une serveuse impertinente, un oisif créatif et velléitaire, un pubeux génial, un journaliste opportuniste et goujat, des mères de famille en prise avec le monde et en butte avec le leur, des chanteuses et des tops anorexiques, des présentateurs perruqués ignorants et distraits. Des écrivains qui maudissent leur éditeur.
Tout ce petit monde se congratule l’ego avec un bonheur sans partage. Le Paris de Dupuy et Berberian est livré aux mains et aux mots d’insupportables, d'irresponsables et de suffisants dont le principal centre d’intérêt se situe au niveau de leur propre ombilic.
Croqueurs et caricaturistes de génie, les auteurs nous dépeignent leur microcosme sociologico-comportementalo-urbain à la manière de la chanson de Renaud, des clichés les plus éculés aux détails les plus savoureux. Un tee-shirt Amélie Poulain par ci, un phrasé « haïpe » et trendy par-là. Tout en ne manquant pas de se moquer du chanteur au passage, dans un trente-sixième degré rigolard.
Dupuy et Berberian moquent les travers de notre époque et c’est une grande réussite. Il est toujours facile de se gausser de ses contemporains, le faire avec talent est une autre paire de manche de cache-cœur Antoine et Lilli. Et ils y arrivent très bien.
L’évidence s’impose à la lecture de Bienvenue à Boboland : nous sommes tous des bobos.
On se retrouve chez « Quetsche » ?
DB
Bienvenue à Boboland – Dupuy & Berberian – Editions Fluide Glacial – Mai 2008 – 11,95 €