Le 14 juin, pour le dernier «lundi de Mediapart» de la saison, la rédaction a convié ses abonnés à une projection du film Depuis Tel-Aviv,réalisé par de Naruna Kaplan de Macedo, contributrice du club depuisplus de deux ans. Compte-rendu et portfolio.
L'occasion de partager la richesse du Club, oùfourmillent blogs et éditions, où chacun peut s'exprimer sur ce qui luitient à cœur et partager ses informations. La réalisatrice est venueprésenter son film, nourri du blog homonyme tenu durant son séjour àTel-Aviv - et aujourd'hui «depuis Paris». Pendant ces deux ans, lacinéaste a posté régulièrement des billets sur ses impressions sur lavie dans la bulle israélienne qu'elle découvrait jour après jour, surson apprentissage de l'hébreu, sur la guerre permanente mais invisiblequi s'y joue...

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Après la projection, qui a plongé les spectateurs au cœur de «la ville qui ne dort jamais»,une discussion conviviale a eu lieu entre la réalisatrice et lesabonnés et amis de Mediapart. Aperçu de ces libres échanges où laparole a circulé librement d'un bout à l'autre de la salle, autour dedeux thématiques: le film et le conflit israélo-palestinien.
Un premier spectateur salue le travail de Naruna, qui «met en lumière des choses graves tout en montrant des gens extrêmement vivants». «Ily a la beauté des visages certes, mais une grande laideur de la ville.C'est une population autiste qui révèle une espèce de mauvaiseconscience. Ce film nous montre qu'il n'y a pas de démocratie sanscontenu. Quand une population est autant dans l'affirmation de soi etla négation de l'autre, ce n'est pas une démocratie», estime un autre. Un nouvel abonné renchérit: «Certains passages m'ont rappelé le nazisme, avec ses allemands survoltés, alors que d'autres montrent une jeunesse révoltée». La cinéaste lui répond: pour elle, il y a «effectivementquelque chose dans l'esthétique sioniste qui est très proche del'esthétique socialiste, mais je crois que la comparaison est malvenue». Pour Edwy Plenel, on «voit aussi dans le film comment un pays construit sa propagande». Une femme remarque que «le film est très intéressant pour ce qu'il ne montre pas». Naruna a «beaucoup travaillé le hors-champ», explique-t-elle, pour montrer que même «si la ville se vend comme un oasis paradisiaque au milieu de la guerre et du conflit, ce n'est qu'une bulle». Un membre de l'auditoire la questionne ensuite sur sa prise d'armes à la fin du film. «Pourmoi, le prologue et l'épilogue de ce film étaient importants. Ce sontles seuls moments du film où je me mets en scène physiquement», fait remarquer Naruna. «C'est une métaphore, mais je ne suis plus pacifiste.» Dès la fin de la projection, Edwy Plenel interrogeait: «A la fin, cette guerre permanente... C'est une guerre contre qui?» «Laliste est très longue mais pour faire court, on va dire contre lesEtats... Pour moi, cette image c'est le fait de lutter contre laconnerie sous toutes ses formes.»
Le débat s'oriente sur laplace réservée aux Palestiniens. Edwy Plenel fait remarquer qu'uncinquième des citoyens d'Israël sont des Israéliens palestiniens, etque le seul moment où on les voit un peu, ils refont un trottoir ou unmur. Pour une spectatrice, cette appellation d'Israélien palestinienest «une vaste hypocrisie». Un participant témoigne qu'à Tel-Aviv, «l'écrasante majorité des gens est juive. On ne rencontre que très peu d'arabes...». Confirmation de la réalisatrice: «Je pense que si on les voit aussi peu c'est parce que j'avais pris la décision de ne pas sortir de Tel-Aviv avec la caméra.»
La discussion touche à sa fin. «Ça y est, nous sommes passés aux billets de blogs... plaisante Edwy Plenel. Tout le monde se répond!» On interroge encore la réalité de la démocratie israélienne: «Dansle film, on voit comment des gens ont embrassé l'hébreu par amour, maison voit vite qu'apprendre l'hébreu c'est devenir soldat de l'hébreu», remarque un spectateur. Un autre poursuit: «Cetteobligation d'embrassement de la religion pour devenir un vrai juif mepousse à me demander ce qu'ont de commun tous ces coreligionnaires quiarrivent de partout... Je soutiens l'Etat d'Israël mais c'est surtoutune abstraction et ça ne colle pas avec ce certificat de judaïté.» Une abstraction? Pour Naruna, c'est bien pire: «Israël n'est plus qu'une impasse, un navire qui coule.»