Billet de blog 2 mars 2010

Oreste Eléa

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Oreste Eléa n'a pas vu «Un Prophète», mais...

Au début, j'ai cru que « Le Prophète » c'était un film qui parlait de Mahomet. Je me suis dit qu'en pleine tourmente sur l'identité nationale, ils étaient couillus les gens du cinoche d'avoir refilé neuf Césars à un film pareil. Un vrai défi à l'ordre moral. Avec même un espoir de médaille à Hollywood y paraît. Les Ricains vont pas s'en remettre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au début, j'ai cru que « Le Prophète » c'était un film qui parlait de Mahomet. Je me suis dit qu'en pleine tourmente sur l'identité nationale, ils étaient couillus les gens du cinoche d'avoir refilé neuf Césars à un film pareil. Un vrai défi à l'ordre moral. Avec même un espoir de médaille à Hollywood y paraît. Les Ricains vont pas s'en remettre.

Et vlan, ce matin Madame Martin me dit que pas du tout. Elle a vu la soirée sur Canal. Déjà le film ne s'appelle pas « Le prophète » mais « Un prophète ». Sacré nuance. Ça mouille évidemment moins les faiseurs de pelloches. Et d'après ce qu'elle a pigé samedi soir, s'agirait plutôt d'une histoire de zonzon avec cris, douleurs et tout le toutim.

Mais y'a bien un Arabe. J'ai pas tout faux. Mais si c'est lui qu'est derrière les barreaux, ça change pas beaucoup des autres toiles. Et c'est pas ça qui va défriser l'Amerloque. Dans leurs films, y sont habitués aux Arabes fourbes et veules. Qui pensent rien qu'à embêter les honnêtes Américains. Même dans le dessin animé Aladin, ils avaient des gueules tellement sympas que c'est finalement le petit singe, Abou, qu'a l'air le plus fréquentable. Comme me le disent mes gamins : « Papa, c'est toujours des Arabes qui font les méchants à la télé ».

C'est vrai mais la petite lucarne a fait quelques efforts ces dernières années. Elle nous refile même des flics rebeus dans une ou deux séries franchouillardes : un pas bien malin qui tient la réception d'un commissariat et un autre plus fûté mais nerveux bien comme il faut pour qu'on pige tout de suite que c'est un Arabe. Faut pas déranger les consciences. Le Beur ça doit faire taulard, vicelard à souhait. Si en plus il est analphabète, le tableau est complet.

Bon je sais pas comment il est dans ce film le héros. Si c'est un Arabe, c'est déjà pas mal. Mais si une fois de plus il est au placard et qu'il l'a bien mérité, c'est pas ça qui va faire réfléchir les adorateurs du gros agité de La Trinité-Sur-Mer. Et si, cerise sur le gâteau, l'Arabe a le bon goût de se faire enculer (comme ça arrive souvent en prison dans la vraie vie), là ils pourraient même se fendre d'une petite fête les gugusses de la France blanche.

J'ai pas vu le film mais les Arabes je connais. Par chez moi on en a plein. Enfin, nous on les appelle pas comme ça parce qu'ils ont des prénoms et des noms. Comme vous et moi quoi. On leur donnerait plutôt du bonjour Monsieur, bonjour Madame quand on les croise. Et eux y font pareil. C'est vrai qu'y en a qui craignent. Et pas qu'un peu... Mais la plupart y sont pas comme ça. Y cherchent un boulot, un mec ou une nana. Y veulent décrocher leur diplôme, acheter un appart. Ou prier ailleurs que dans une cave qui sent la pisse et les panards. Rien de plus. Ces Arabes là, je sais pas s'il faut les appeler des prophètes. C'est juste des gens bien. Rien de plus. C'est sûrement pour ça qu'on les voit pas au cinoche ou à la télé. Y paraît qu'on parle pas des trains qu'arrivent à l'heure. Si en plus ils sont bourrés d'Arabes qui vont au taf, ça fait bander qui ? Alors, de là à en faire un film...

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