Billet de blog 2 juin 2011

Antonella Santacroce (avatar)

Antonella Santacroce

Abonné·e de Mediapart

LES DANCES QUE MARIA ASSUNTA FABRIQUAIT –AVEC LE « PRETRE » – FACE A NOS YEUX EBAHIS – EN PLEIN CŒUR DE NOTRE TENDRE ENFANCE

Antonella Santacroce (avatar)

Antonella Santacroce

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

à José Bové

Salut à toi, Maria Assunta Presutti !

Ca aurait été ta fête, aujourd’hui.

A savoir, la fête de l’Ascension, pour laquelle notre Benoît XVI, pour mieux renforcer l’Unité et l’Universalité increvables – à ses yeux – de son Eglise, se pliant à rites et à cultes qui ne recèlent plus la moindre bribe d’âme, au sein des ors et des marbres de sa basilique élevée au nom de Pierre, dans une Ville s’auto proclamant, sans dignité aucune :Universelle. A savoir, une ville qui jamais ne sera terrassée, par aucune force : ni corporelle ni spirituelle. Dédicacée, donc, à Pierre, le PREMIER des Apôtre : un pécheur des fruits de la mer et des Océans, qui ne sut pas résister à couper l’oreille d’un soldat romain, pour défendre son maître, à savoir : Jésus. Jésus, qui, après son décès, après son enterrement, sera rappelé aux cieux, par son, mais également, (libre à ceux qui veulent bien le croire) votre père éternel, que nous nous devons de respecter, dans ce monde terrestre, qui, rempli de cris de joie ou de larmes, risque quelque peu d’oublier, ce que nous voulons lui rappeler. (Rappeler à lui : à ce monde vociférant, l'histoire de nos Ancêtres.)

Or, il y déjà longtemps, maints et maints missionnaires – venus de notre monde civilisé – débarquèrent en des pays méconnus, ou tout à fait inconnus, et voulurent apprendre "courageusement"à ces peuples ( aux peuples qui habitaient ces pays, nous entendons par là), qu’il était (Jésus le Christ), la VERITE et la LUMIERE de nous tous, les humains. Et donc, d’eux aussi qui, pourtant, possédaient dans leur tréfonds PAYEN, d’autres dieux, d’autres figures et récits divins, vers lesquels/lesquelles ils voulaient se tourner. Auxquels/auxquelles ils voulaient se rappeler.

Toi, tantine Maria, qui fus autrefois notre servante, , désormais tu sais, si tout cela est vrai, ou totalement faux. Tout ce qu’on nous raconta dans notre lointaine et tendre enfance, et qu’on voudrait encore nous conter, au jour d’aujourd’hui. Au moment de notre enfance, donc, lorsqu’on nous poussait à mettre de côté les petits papiers dorés ou argentés de nos bombons, qui pouvaient servir dans ce Continent tout Noir, qui était la lointaine Afrique, où les femmes ne cachaient pas leurs seins, ni leurs corps tout entier. Cela, afin d’échanger ces petits bouts de papiers charmeurs (car brillants) avec leurs amulettes, et afin qu’on puisse ainsi sauver leurs âmes des flammes de l'Enfer. Tu pourrais nous dire, chuchoter à notre oreille, avide de vérité, si c’est vraie, cette histoire d’Outre-Tombe, et de Balances du Jugement Dernier, soupesant nos pêchés, et nos Vertus, dans ce Monde de l ’Au–delà.

Te souviens–tu, tantine chérie, toi qui étais encore plus petite que moi, mais obèse, signe à tes yeux, d’une réelle réussite sociale.. (Cela AVANT d’attraper le diabète qui te conduira à la solitude et à la cécité .) Et te souviens-tu, de ces prières en latin que tu chantais ou récitais sans y comprendre goutte (qu’on te faisait chanter, ou réciter aveuglement ?), le prêtre–officiant, le dos tourné vers vous, pour mieux garder sa miraculeuse magie, lorsqu'empirait encore et encore sur nous tous, le bon vouloir glacial de ce pape, qui se fit appeler Pie XII (pour ne pas le nommer).

Toi, Pie XII, qui seras bientôt abrité sous les diadèmes de la sainteté, recouvert de breloques en or véritable et véritables diamants, et de tissus précieux que les nonnes cloîtrées, à tes ordres, ne cessaient de broder, pour que tu puisses t'en revùêtir (éblouissant autrui !), et te faisant transporter d’un lieu à l’autre de TA basilique, de TES stupéfiants appartements royaux, tout comme d’un lieu à l’autre de TES vastes jardins verdoyants, assis dans ta chaise pontificale (ton trône ?) dont malencontreusement j’ai oublié le nom, soutenue et portée par des êtres humains – anonymes et courbés sous tes ordres.

Toi, tantine, tu feignais de croire à ce pape, bien qu’habitée par un esprit voltairien, et par le bon sens de ces paysans misérables qui, bien qu'affamés, lorsqu'on leur laissaitt la seule liberté de chanter (au moment des recoltes) se moquaient de tous et de tout, sauf dans leurs chansons d'amour. Toi aussi te moquais de tout et tous, sauf lorsque, ayant dû suivre un régime très strict pour ton diabète, revenant de la Capitale, je te vis tout d’un coup si amaigrie, si ridée, que je ne pus ni sus te cacher ma stupéfaction, ni mon épouvante. Nous étions – toutes deux – dans la cuisine, qui était (avec le petit jardin ) ton véritable Royaume. Et cela même quand je voulu vainement t’en chasser, à la mort de maman., pour devenir, MOI, le nouveau chef de la famille, Il y eut, à ce moment–là, beaucoup de luttes intestines, entre nous, toi rêvant à un mariage avec père, moi rêvant à être aimé par frère, tout comme il avait adorait maman. (L’une et l’autre, échouant dans ces songes, qui étaient les nôtres.)

Néanmoins, je suis FIERE de t’avoir aidée, lorsque père ne voulant pas te déclarer comme servante, voulut que j’aille au commissariat, dénoncer tes mensonges. Et j’y allai au Commissariat, annonçant enclaires lettres celle qui était la vérité véritable. Je me souviens très bien de l’air stupéfait et méprisant du commissaire, qui était de mise avec père, tandis que moi, je renchérissais. Oui. Je suis bien fière. Car, comment aurais–tu fait, lorsque tu fus chassée de chez nous, et que tu revins au village, dans une pièce louée pour toi, et que tu ne faisais que pleurer ? Seulement Rosina resta à tes côtés, avec son immense générosité. Oui. Rosina...

Or, je voudrais expliquer le mystère, le secret du titre que j’ai voulu appliquer à ce texte. Car le « prêtre », chez nous, dans notre famille (dans le village aussi ?) n’était pas le personnage des églises, mais une sorte d’objet, en bois, dans lequel on mettait un récipient plein de brases, et qu’on glissait entre les draps, pour pouvoir chauffer un peu ces lits, si glaciales, à ces temps–là, dans les Abruzzes.

Or, toi, le matin, après t’être levée avant tout le monde, venaient nous réveiller Alberto et moi. (Il était encore enfant, car nous dormions ensemble, et on ne nous avait pas encore séparés, en me changeant de chambre.) Toi, donc, tu nous réveillais, et faisais des sortes de dances burlesques avec ce « prêtre », nous réveillant dans les jeux, et dans une sorte d’infinie jouissance. Nous riions beaucoup, jusqu’à ce que nous devions nous sortir de nos lits, pour nous préparer, et aller à l’école.

Voilà. Mon souvenir le plus précis que j’ai de toi, ce sont tes mains violettes par le froid et par l’eau. Tout à fait comme les mains de Rosina qui allait à la fontaine de la place (dont j’ai oublié le nom actuel) et qui se dressait devant l’église de la Madonna della Libera, où accouraient les estropiés de tout genre, les culs–de–jatte, tous les malades et invalides, traversant plaines et montagnes, pour pouvoir se rendre jusqu’à elle, se traînant par terre, et léchant le sol, et implorant la guérison.

Je les avais vus arriver de la haute terrasse de la famille de maman – mon oncle me tenant dans ses bras. Mais mon père ( plus civilisé) m’avait amenée (toujours dans ses bras) dans l’église pour que je puisse vérifier de mes propres yeux, la supercherie de ces prêtres, qui, avec une manouvelle faisaient avancer la statue recouverte d’offrandes en ors et en argents, tandis que tous ces miséreux criaient : – Au Miracle ! Au Miracle !

Voilà. Parmi ces souvenirs, tu te dresses, tantine. Toi, qui reposes dans un tout petit espace au cimetière du village, aux côtés de ton frère, et de Maria Carmine, son épouse et ta belle–sœur, qui enfanta 7 ou 8 enfants. Je ne sais pas si Alberto a tenu sa promesse et a fait ériger quelque chose ( pas une croix. Una stele ?Une pierre ?) où soit inscrit ton nom et ton prénom. Toi, dont personne ne voulait, et que maman ( à partir du bonheur qu’elle avait découvert dans son propre mariage,voulant – avant les bourrasques qui suivirent – faire marier tout le monde autour d’elle) tenta de te faire marier, toi aussi, à quelqu’un que tu ne connaissais pas, et qui t’aurais amenée, loin. Très loin de chez nous. Mais tu ne le voulus pas. Tu t'y refusas, ma bien–aimée tantine, et je t'en remercie.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.